qui n’est pas mort il y a vingt ans : c’était une perversité mentale et morale, et qui, fut à la mode, et qui a fait de nombreuses victimes.
L’auteur de l’Agonie de l’amour, jeune logicien, s’éloigna du moribond. Le roman qu’il écrivit ensuite n’est pas une histoire d’amour, l’amour étant mort ou ne valant pas mieux que s’il était mort, mais une aventure d’argent. Apremont ne nous a-t-il point enseigné que l’argent tuait l’amour ? Et nous délaissons le cadavre charmant pour examiner le meurtrier. Ce sont, les Sangsues, des hommes et des femmes qui, par cupidité, sans autre méchanceté, saignent un pauvre bonhomme de prêtre, plein de bonté, de mansuétude. Le roman, d’ailleurs, est extrêmement bien fait et avec une habileté qui ne va point à la prouesse inutile. Les personnages ont de la vérité, de la vie, et le paysage de province est pittoresque et juste. M. Edmond Jaloux a évité l’ennui de la justesse et l’extravagance du pittoresque. Il a dessiné, dans leur cadre, dans leurs coutumes et leurs manies, avec leurs particularités qui ne les détachent pas trop des alentours, les gens qui usent leurs années comme leurs journées et qui ont à la fois quelque chose de doux et de farouche : leurs toquades même et, à l’occasion, leurs crimes ne dérangent pas leur apparence de quiétude. Gens de toute sorte et, quelques-uns, délicieux, comme cet abbé Bonsignour, un égoïste charitable, qui épargne à lui-même et au prochain la pensée du mal et du châtiment.
On a pu s’attendre que M. Edmond Jaloux devînt, après les Sangsues, l’un des romanciers de la province et de sa fausse tranquillité que l’amour ne trouble guère. Mais l’amour, après l’agonie de l’amour, le tentait encore. Il y retourne, avec le Jeune homme au masque. Ce jeune homme, qui s’appelle Roger de Cabre, s’il ne dit pas que l’amour soit mort, du moins a-t-il la plupart des travers et les vices principaux qui sont ennemis de l’amour. Un sceptique : à proprement parler, Roger de Cabre n’a aucune crédulité : l’on assure qu’il n’est rien de plus dangereux, en amour. Cependant, le scepticisme, qui vous avertit de n’accorder votre créance ni à ceci, ni à cela, vous avertit également de ne point l’accorder au contraire de ceci ou de cela. Il vous dispense de la double duperie d’affirmer et de nier. Il vous engage à n’être pas sûr. Enfin, Roger de Cabre avait tant de scepticisme dans l’esprit qu’à certains jours il admettait qu’une femme pût aimer son mari. Un jour, il se promène dans un parc où l’on danse ; il s’est éloigné des couples rieurs et allègres. Il regarde, vers le soir, le ciel « se pommeler de nuages vineux, qui juxtaposent leurs grains serrés et ronds comme des raisins. Cette