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REVUE LITTÉRAIRE

LES ROMANS DE M. EDMOND JALOUX[1]

Un personnage de Fumées dans la campagne, M. l’abbé de Galice, est un homme que la netteté de son intelligence préserve de l’erreur sentimentale. Cependant, il pratique deux charitables vertus : la pitié d’abord, et l’ironie. L’humanité est bien digne qu’on la plaigne ; et l’ironie est la gentillesse du blâme. L’abbé de Galice a de l’érudition. Depuis Rome et Athènes, il sait comment on a vécu, dans l’histoire et dans les anecdotes. Et il connaît bien son époque, étant curieux et, par son ministère, obligé de regarder la vie humaine. Un garçon qu’il rencontre quelquefois est féru de spiritisme. L’abbé de Galice refuse de croire aux esprits et, n’insistez pas, il vous répond : « Je ne crois guère à ceux des vivants ; comment croirais-je à ceux des morts ? » Il ajoute : « Quarante ans de confession m’ont persuadé qu’il n’y a guère, sur cent hommes, que deux ou trois d’entre eux qui aient une âme personnelle. » Qu’est-ce qu’une âme, en définitive ?

Un autre personnage de M. Edmond Jaloux, Luc d’Hermany, dans L’Agonie de l’amour, dit : « Les livres sont comme les hommes. Bien peu ont une âme… » L’Agonie de l’amour est le premier roman de M. Edmond Jaloux et date de quelque vingt ans ; Fumées dans la campagne est de l’an dernier. Ce romancier a le souci de l’âme. Ses livres sont du petit nombre de ceux qui ont une âme. Et, comme il a peint constamment notre époque, peut-être avons-nous à chercher, dans la douzaine de ses romans, l’âme nouvelle, que notre temps s’est

  1. L’Agonie de l’amour, Les sangsues, Le jeune homme au masque, L’école des mariages (Mercure de France) ; Le démon de la vie, Le reste est silence (Stock) ; Le boudoir de Proserpine (Dorbon aîné) ; L’éventail de crêpe (Pierre Lafitte) ; Les Amours perdues (Stock) ; L’Incertaine (Albin Michel) ; Fumées dans la campagne, Au-dessus de la ville (Renaissance du livre).