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L’enquête des agents de M. Decazes se heurtait donc à quatre versions : la fosse commune, remplacement désigné par Voisin, celui indiqué par Dusser et la translation clandestine opérée par Bétrancourt. Il s’en produisit une cinquième : Toussaint Charpentier, jardinier chef du Luxembourg, vint déclarer que, trois jours après l’inhumation à Sainte-Marguerite, la bière de l’enfant royal avait été transportée au cimetière de Clamart et enterrée, lui témoin, en présence de quelques membres du Comité de la section. Et il y avait d’autres thèmes encore : — l’un ressort d’une petite note sans date et sans signature, conservée au dossier des Archives nationales, et certifiant que les fouilles entreprises au cimetière Sainte-Marguerite ont eu pour résultat la découverte « d’une pierre rompue et d’une boite de plomb contenant des papiers qui ont été remis au ministre de la police ; » — l’autre qui ne paraît pas avoir été connu des enquêteurs de 1816, émane du général comte d’Andigné, prisonnier au Temple en 1801, il s’était amusé, avec quelques-uns de ses compagnons de captivité, à remuer la terre du jardin de la prison : leurs bêches rencontrèrent le squelette « d’un grand enfant qui avait été enterré dans la chaux vive. » Les ossements furent recouverts respectueusement, mais Fauconnier, concierge du Temple à cette époque, s’étant trouvé présent à cette exhumation fortuite : — « C’est là évidemment, lui demanda d’Andigné, le corps de Monseigneur le Dauphin ? » Fauconnier « parut un peu embarrassé, mais répondit sans hésiter : — Oui, monsieur. »

La question, on le voit, se présentait assez ardue pour justifier la renonciation, et c’est le parti auquel s’arrêta Louis XVIII : au jour fixé pour l’exhumation, tout le clergé de Sainte-Marguerite, M. le curé Dubois en tête, avec aubes, surplis, étoles, enfants de chœur portant la croix, attendaient le délégué du ministre de la police, quand parut un envoyé du préfet annonçant « qu’il y avait lieu de différer l’opération. » Elle fut reprise, bien des années plus tard, ainsi qu’on le verra, et l’on comprit seulement alors pourquoi le gouvernement de la Restauration avait montré si peu d’insistance à fouiller ce sol où il savait, manifestement, qu’il ne devait pas trouver des ossements dignes d’occuper sans usurpation une place dans les caveaux de Saint-Denis. Les fossoyeurs s’étaient disputé le cadavre de l’enfant du Temple comme les partis politiques