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assuma la régence en Orient. Le parli de la lutte à outrance et de l’intransigeance prévalut alors au gouvernement ; Galère et Maximien s’accordèrent pour la promulgation du dernier édit de persécution auquel Dioclétien se résolut à souscrire. Cet édit faisait obligation à tous les sujets de l’Empire de sacrifier aux Dieux, sous peine de tous les châtiments corporels réservés aux récalcitrants.

Cette persécution dura huit ans. Mais, bien qu’elle ait été la plus violente et la plus systématique de toutes celles entreprises par l’Empire contre le Christianisme, elle n’eut pas cette implacable férocité que la tradition ecclésiastique devait lui attribuer. Elle fut différemment conduite et plus ou moins dure selon les pays et selon le caractère des Césars ou des Augustes. C’est ainsi que Constance Chlore détruisit seulement quelques églises, sans s’attarder à violenter la conscience des fidèles. S’il ordonna des exécutions, elles furent dues en grande partie à la vive réaction et à la véritable soif de sacrifice qui poussait de nombreux fidèles, — joyeusement, — au martyre. Mais Dioclétien n’eut que peu de part aux diverses vicissitudes de cette longue persécution, dont nous verrons la prochaine fois la grande importance historique. Vingt années de gouvernement l’avaient fatigué, et, bien qu’il n’eût pas encore atteint la soixantaine, sa vie fiévreuse et surmenée avait miné avant l’âge sa robuste constitution.

Depuis des années, il méditait une retraite, une retraite qui lui permît d’assister en spectateur désintéressé à la réalisation de ses grandes réformes, sans qu’il eût à être présent partout pour la diriger. Et il se faisait construire à Salone, dans sa Dalmatie, un ermitage pour s’y retirer. Même il avait voulu quelque chose de plus : n’être pas seul à s’écarter des affaires de l’Etat et entraîner avec lui le fidèle compagnon de ses fatigues, Maximien, auquel il avait fait faire le serment de l’imiter. Ce diligent administrateur semblait saisi de la dangereuse curiosité de savoir ce qui arriverait dans l’Empire, après la disparition de ceux qui l’avaient restauré ! Et la grande heure sonna enfin, le ler mai 305. Ce jour-là, à trois milles de Nicomédie, sur une colline qui s’élevait doucement au-dessus de la plaine, au pied d’une colonne portant la statue de Jupiter, là où il avait lui-même remis la pourpre à Galère, entouré par les hauts personnages de l’Empire et les hauts dignitaires de l’armée, Dioclétien