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de régula tour et de coordinateur suprême. Le titre de Jovius qu’il prend, mis à côté de celui d’Herculius accordé à Maximien, indique un rapport de supérieur à inférieur. En outre, à la monarchie divinisée, il applique, pour en faire une unité, le principe dynastique de la monarchie asiatique, qui déjà s’était, au premier et au second siècle, infiltré dans la constitution de l’autorité suprême de l’Empire romain. Augustes et Césars forment une seule famille. De même que Maximien avait été adopté par Dioclétien, les deux Césars sont adoptés par les deux Augustes ; ils répudient leurs femmes pour épouser les filles des Augustes, qui les ont adoptés comme fils : sorte d’inceste dynastique, qui rappelle la monarchie égyptienne des Pharaons et des Ptolémées. En ajoutant au principe religieux et au principe dynastique le principe de la cooptation, on pouvait croire résolue la plus épineuse de toutes les questions qui concernaient l’autorité suprême, celle qui depuis près de trois siècles agitait l’Empire en vain : la question de la succession. A la mort d’un Auguste, son César devait prendre sa place et nommer à son tour un autre César, qu’il ferait entrer dans la famille divine des maîtres du monde.

Mais ce n’est pas seulement d’autorité que le pouvoir suprême avait besoin pour guérir les plaies de l’Empire ; il avait également besoin de force, c’est-à-dire d’organes habiles, sûrs, obéissants. Dioclétien lâcha d’infuser cette nouvelle force à l’Etat par la création d’un système bureaucratique complet, qui ne dépendit plus du Sénat, mais seulement et exclusivement de l’Empereur-Dieu, comme dans les monarchies asiatiques. Il ne négligea peut-être pas de notifier au Sénat son élection au trône et les élections successives, ni de respecter encore certaines formes consacrées par la tradition. Mais quoi qu’il en soit, le Sénat, en tant que corps politique, est annulé. On peut écouter ses conseils ; mais on peut aussi refuser de les suivre. Il n’a plus de provinces à administrer, puisqu’elles sont passées sous la juridiction de l’empereur ; il est exclu de la direction politique et remplacé par le Consistorium principis, le corps nouveau qui examine, comme l’ancien Sénat, les questions de caractère législatif, et qui est formé de tous les grands fonctionnaires de l’Etat. Toute l’administration dépend donc maintenant de l’empereur et du Consistorium principis, qui en est comme la représentation suprême ; elle est formée par une bureaucratie