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vertu, et, puisqu’ils ne pouvaient le vaincre, reconnaissant Carausius pour troisième Auguste. Mais quelques années d’expériences suffirent à convaincre Dioclétien et Maximien que même deux Augustes ne pouvaient suffire à la lâche : et, en 293, Dioclétien se décida à diviser encore l’administration de l’Empire, donnant aux deux Augustes deux nouveaux collaborateurs officiels, d’un grade cependant inférieur : deux Césars. Un des deux officiers appelés à si haute dignité, fut Galère, un soldat énergique et capable, sans culture raffinée, originaire de la Dacie. L’autre, Constance, — surnommé Chlore, à cause de son teint pâle — descendait au contraire, par sa mère, de Claude le Gothique ; il était de famille riche, de caractère doux et d’esprit cultivé ; un aristocrate égaré dans la bande de parvenus qui gouvernaient l’Empire. Les provinces furent distribuées entre les quatre empereurs de la façon suivante : Dioclétien garda pour lui la partie la plus orientale de l’Empire, la Bithynie, l’Arabie, la Libye, l’Egypte, la Syrie ; Galère eut la Dalmatie, la Pannonie, la Mœsie, la Thrace, la Grèce, et l’Asie-Mineure ; Maximien, Rome, l’Italie, la Rhétie, la Sicile, la Sardaigne, l’Espagne et tout le reste de l’Afrique ; Constance, la Bretagne et la Gaule. Etant donné les raisons de leur élévation au trône, les chefs de l’Empire ne devaient pas résider à Rome, mais sur les principales lignes des frontières : Dioclétien à Nicomédie, en Bithynie ; Galère a Sirmium en Pannonie ; Maximien à Milan ; Constance à Trêves en Gaule.


II

Mais la multiplication des empereurs, comme nous l’avons déjà observé en parlant de Valérien, était un remède de nature géométrique, tandis que le mal dont se mourait l’Empire était un mal de nature morale. A lui seul, ce remède ne pouvait pas être plus efficace à ce moment de l’histoire de l’Empire, qu’il ne l’avait été du temps de Valérien. Il aurait même pu, au contraire, hâter le démembrement de l’Empire en poussant chacun des empereurs à se rendre indépendant. Mais Dioclétien compléta ce partage de l’Empire par une réforme organique et profonde de toute l’institution suprême. Cette grande réforme était, en 203, désormais accomplie, et devait donner au pouvoir des quatre empereurs en même temps une légitimité plus sûre et