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comment finit la guerre.

nouvelles conférences auxquelles prennent généralement part soit Ludendorff, soit ses agents de liaison ; l’examen de la situation donne lieu aux mêmes constatations et les membres du gouvernement posent les mêmes questions. Le problème des effectifs paraît toujours insoluble ; le 9 octobre, Ludendorff déclare qu’il lui manque depuis longtemps 70 000 hommes par mois pour les maintenir, et que le trou va par conséquent en s’agrandissant ; il repousse la levée en masse « qui désorganiserait plus qu’on ne peut le supporter. » La situation est très grave : « hier il s’en est fallu d’un fil que la percée réussisse. Je vous prie instamment de ne pas mettre mes paroles sur le compte de la nervosité. Il est absolument indispensable de faire une démarche de paix, mais bien plus encore une démarche d’armistice. La troupe n’a plus de repos. On ne peut calculer si elle tiendra ou non. »

Mais vers le 13 octobre, le Haut-Commandement parait vouloir rejeter sur le gouvernement la responsabilité qu’il a assumée en entamant des pourparlers pour la paix dont les conditions seront forcément très dures. Il sait que matériellement il ne pourra ramener des forces appréciables du front russe et demande cependant si le gouvernement estime que le danger bolchéviste permet ce mouvement ; il a repoussé l’idée de la levée en masse et prie qu’on examine les ressources qu’elle pourrait donner. Le chancelier et les ministres sont inquiets de cette attitude nouvelle. Pour la grande séance du 17 octobre, un vaste questionnaire a été dressé et la discussion tourne toujours dans le même cercle. Tout se réduit, comme toujours à la guerre, à une question de moral, et le front et l’armée réagissent dans le même sens l’un sur l’autre. Scheidemann dit : « En venant du front, les permissionnaires racontent des histoires terribles ; en retournant au front, ils rapportent de l’intérieur de mauvaises nouvelles. Cet échange affaiblit le moral… Les travailleurs en arrivent de plus en plus à se dire : « Plutôt une fin avec la désolation que la désolation sans fin, — la misère est trop grande. » Et un autre secrétaire d’État : « Le peuple n’a été mis en face de tout le sérieux de la situation que par le ton sévère de la note Wilson. » Et le vice-chancelier : « Quand nous avons envoyé notre première note, les gars se sont demandé : Que se passe-t-il ? Cela n’a pas l’air d’aller si bien que cela. — Bientôt, le moral fut chancelant ; quand arriva la deuxième