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Zohar, c’est un plaisir bien appréciable de boire un petit verre d’eau-de-vie accompagné d’un pain d’épices, de fumer une pipe en attendant une nouvelle prière, et de causer des mille choses qui intéressent la Communauté sainte, et dont certainement l’Éternel ne se désintéresse pas lui non plus.

Car ces Juifs de Schwarzé Témé ne mettent pas en doute un instant que le Seigneur ne s’occupe tout spécialement de leurs affaires. Pour eux il allume le soleil ; pour eux il envoie la lune et les étoiles, afin de les éclairer lorsqu’ils sortent de la synagogue ou du bethamidrasch ; pour eux il fait tomber la pluie sur la prairie communale ; pour eux il fait le beau temps qui favorise le marché. Sans cesse occupé de ses Juifs, le gardien d’Israël ! Et alors même qu’ils ont quitté leurs communautés lointaines et laissé derrière eux, avec le vieux caftan sordide, la vieille croyance d’autrefois, toujours le sentiment d’être élus, d’être à part, d’être privilégiés, survit à tout chez ces fils du ghetto, les soutient, les anime, leur donne cette audace, cette confiance en eux-mêmes qui nous étonnera toujours. Chaque Juif a la certitude que sur lui brille une étoile.

Tous les fidèles des Communautés voisines, de Smiara ou de Kiew ou d’Ekaterinoslav, étaient aussi persuadés que ceux de Schwarzé Témé que le Seigneur éprouvait à leur endroit une sollicitude spéciale, et que, suivant l’expression du Talmud à propos de Jérusalem, l’endroit où ils vivaient était le nombril de la terre. Mais ce qui fait éclater à tous les yeux que le Seigneur, béni soit-il ! ressent pour Schwarzé Témé une dilection particulière, c’est qu’il n’a désigné ni Kiew, ni Smiara, ni Ekatérinoslav, pour être le séjour d’un Rabbin Miraculeux : il a choisi Schwarzé Témé !

Dans toute la Pologne et l’Ukraine et dans l’univers tout entier, Dieu n’en a établi que quatre de ces colonnes de la foil Il n’en a fait jaillir que quatre de ces sources d’eau vive ! Heureuse, un million de fois heureuse, la Communauté qui possède ce trésor incomparable ! Ces rabbins miraculeux, ces Zadiks, ainsi qu’on les nomme, sont les successeurs du Bachem, et se transmettent de père en fils son pouvoir surnaturel. Ils ont toujours un libre accès dans les palais divins, pour porter devant le Maître des Mondes les affaires innombrables et toujours compliquées de leurs ressortissants. Le prophète Élie les conseille et descend, la nuit, dans leur chambre, les éclairer de