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REVUE DRAMATIQUE


ODEON : La maison sous l’orage, pièce en trois actes, par M. Emile Fabre. Roger Bontemps, trois actes en vers, par M. André Rivoire.


L’auteur de la Vie publique et des Ventres dorés est, comme on sait, un dramaturge du plus âpre réalisme. Il affectionne les sujets d’observation amère et les situations violentes. Le regard qu’il jette sur la vie est un regard triste et notre pauvre monde, tel qu’il lui apparaît, ressemble assez exactement à un paysage sans soleil que désolerait une bise glaciale. Mais je crois bien qu’il n’avait encore rien écrit de si triste et de si amer, ni de si âpre et de si violent que la Maison sous l’orage. Ce drame domestique est, au surplus, d’excellent théâtre : c’est, en quelque manière, le type de la pièce bien faite. Et tout un acte, le second, par sa sécheresse nerveuse et son impitoyable progression dans l’horreur, nous a tenus angoissés et haletants.

A suivre les débats des cours d’assises, surtout des assises provinciales, il nous arrive d’entrevoir, par de soudaines déchirures, l’enfer de certains intérieurs. Les rivalités, les jalousies, les haines savamment entretenues y font de lentes germinations, pour s’épanouir enfin en crimes monstrueux, dont nous avions la naïveté de croire que, depuis les temps antiques, le secret s’était perdu. Didier Harlange a rompu, par le divorce, un mariage malheureux. Puis il a convolé en d’autres noces. De son premier mariage il avait un fils, Claude ; du second il a eu un autre fils, Maurice. Il s’est efforcé de faire vivre en bonne intelligence les deux jeunes gens. Mais la situation a été plus forte que lui et aussi sa mauvaise chance, son fils aîné, Claude, étant une de ces natures d’exception que parfois on voit paraître dans le cercle de famille pour en être le fléau. De bonne heure, il a manifesté une de ces humeurs sombres et de ces