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sités optiques des lunettes médiocres, et notamment à l’insuffisance de leur pouvoir séparateur.

Si M. Lowell ne s’est, malgré lui, pas trompé lorsqu’il a écrit que « les aspects de Mars indiquent une œuvre humaine dont il n’est plus possible maintenant de douter » (et il a eu tort d’employer le mot « humain, » car tout ce qui est intelligent n’est pas nécessairement humain), c’est que cette œuvre humaine n’est autre que celle de Schiaparelli, de Lowell lui-même et de ses imitateurs. Ils ont vu dans Mars des « canaux » à peu près comme ils auraient pu y voir, — si on veut me permettre cette image, — trente-six chandelles, s’ils eussent heurté leur œil contre la bonnette de bronze de l’oculaire.

C’est un peu la fable de l’« Animal dans la lune » que chacun a apprise sur les bancs de l’école. Certes l’animal en question existait, mais il n’était pas dans la lune ; il était dans la lunette. Il en est de même des canaux de Mars.

C’est dommage. On aurait aimé à pouvoir considérer comme démontrée l’existence de ce réseau cyclopéen de canaux d’irrigation, œuvre d’une haute civilisation extra-terrestre. Jusqu’à nouvel ordre, hélas ! nous devons continuer à penser qu’aucune manifestation ne nous est connue d’une vie organisée et intelligente existant sur une autre planète que la nôtre. Ceci ne veut nullement dire qu’une pareille vie intelligente n’existe pas sur d’autres planètes, — j’aurais même une tendance à être persuadé du contraire. — Cela veut dire seulement que ce phénomène, s’il existe, échappe jusqu’ici à la grossièreté de nos moyens d’observation, c’est-à-dire qu’il ne relève pas de la science, mais de la fantaisie. La fantaisie, ce n’est pas toujours l’erreur, c’est souvent la vérité non démontrable, ou du moins non démontrée.

Mais alors, si rien ne tend à prouver que les mystérieux messages cosmiques enregistrés par nos stations de T. S. F. proviennent de Mars plutôt que d’ailleurs, d’où nous arrivent donc ces ondes hertziennes, émanées évidemment, — nous verrons pourquoi, — d’une source extra-terrestre ? Qu’est-ce donc que ces messagères subtiles rayonnées d’on ne sait où, mais sûrement de l’espace interstellaire ? C’est ce qu’il me reste à examiner.

Charles Nordmann.