temps. Effectivement c’est à cette saison que, d’après certains observateurs, les « canaux » sont les plus nets. Lowell va plus loin et suppose que ces lignes de végétation se développent ainsi parce qu’elles sont irriguées par des canaux artificiellement creusés. La rectitude absolue de ces lignes empêche en effet de les considérer comme naturelles. Ceci implique sur la planète l’existence de la vie et d’un haut degré de civilisation intelligente. Les régions extérieures aux « canaux » seraient désertiques et les habitants utiliseraient pour se rendre la vie supportable et faire pousser ce qui leur est nécessaire la fonte des neiges polaires, soigneusement dirigées dans le puissant système de canaux d’irrigation qu’ils ont creusés pour lutter contre la sécheresse extrême du climat martien.
On peut discuter cette ingénieuse et séduisante hypothèse, qui a eu en France même de nombreux adeptes, de divers points de vue : de celui de l’économie politique, de la psychologie, de la biologie, de l’agronomie, de ce que les Américains appellent l’« efficiency. » L’espace me manque pour examiner tout cela, bien qu’il y ait beaucoup de choses à en dire.
Remarquons pourtant que ce n’est peut-être pas, après tout, un signe si grand d’intelligence, que de construire des canaux de milliers de kilomètres de long en ligne droite et d’une largeur uniforme sans tenir compte des irrégularités du relief du sol et de la fertilité variable. Les irrégularités du bord de la calotte polaire prouvent que la surface martienne est loin d’être très plate, et les teintes différentes des taches martiennes prouvent que cette surface n’est pas uniforme. Comment peut-on imaginer que des habitants qu’on suppose si intelligents creusent dans ces conditions leurs canaux en ligne absolument droite et d’une largeur absolument uniforme ? D’autre part, il est bien peu économique d’amener l’eau à des 5 000 kilomètres de la source, alors que tout près de celle-ci on laisse sans les irriguer de vastes territoires désertiques. La dépense ne doit pas être petite.
Et puis, s’il y a de la vie dans Mars, pourquoi supposer que les êtres arrivés à un haut degré d’intelligence sont physiquement quelque chose de semblable aux hommes ? Les animaux terrestres et le plus raisonneur (je ne dis pas raisonnable) d’entre eux, l’homme, sont adaptés aux circonstances ambiantes, faute de quoi ils auraient péri. Par exemple notre squelette est fait de manière à nous permettre certains efforts de mouvements qui dépendent de la pesanteur ; notre poumon est adapté à la pression de notre atmosphère et la quantité d’eau sur la terre et dans l’air est un facteur important de la vie ter-