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L’époque exacte de l’opposition de Mars a été le 21 avril. À ce moment, sa distance à la Terre était d’environ 87 millions de kilomètres, ce qui n’est guère, astronomiquement parlant. Depuis, cette distance n’a que peu augmenté. Les circonstances se sont donc trouvées et sont encore particulièrement favorables à une observation attentive de notre mystérieuse voisine planétaire. Pour des raisons qu’il serait fastidieux d’exposer ici, les conditions actuelles d’observation de Mars sont les plus favorables depuis sa dernière opposition (mars 1918) quoique moins bonnes que ne seront ses deux prochaines oppositions et notamment celle qui aura lieu en août 1924.

Quoi qu’il en soit, on parle beaucoup de Mars, ou plutôt on en reparle beaucoup depuis quelques semaines. Les journaux des deux mondes (je veux dire du vieux continent et d’Amérique, car pour les journaux de Mars, la poste n’en assure pas encore le service) mettent en bonne place des télégrammes annonçant les « performances » plus ou moins étonnantes des terriens qui essayent une fois de plus de communiquer avec l’étrange planète. En dépit des grèves et des fluctuations qui cahotent les gens entre la politique étrangère et leur politique intérieure (laquelle est culinaire) on lit ces nouvelles, on s’y intéresse même un peu, on en parle à l’heure où, dans la fumée légère des cigarettes, s’allument les conversations d’après-dîner.

C’est qu’il y a toujours eu et qu’il y aura toujours au cœur des humains une attirance vers l’au-delà, même vers cet au-delà purement matériel et tout proche de nous que constituent les planètes, et qui en fait comme des points de suspension posés sporadiquement sur la grande page vide de l’infini interstellaire. Ce qui contribue à nous donner maintenant une dilection particulière pour la planète Mars, c’est aussi, assurément, son nom qui en fait un astre particulièrement représentatif des années que nous venons de vivre. Si les considérations astrologiques ne m’étaient rigoureusement interdites, je ne manquerais pas de remarquer que notre époque a certainement été placée sous le signe de Mars, car jamais on ne vit autant sur la Terre, de manifestations martiales. Je remarquerais aussi qu’aucune des grosses planètes ne s’appelle Minerve, et j’en déduirais quelques aphorismes désabusés sur le peu de prestige qu’a ici-bas la Sagesse, à s’en rapporter du moins à la nomenclature astronomique. Mais ces considérations m’éloigneraient un peu de mon sujet.

Lorsqu’il y a quelques semaines, les agences télégraphiques ont annoncé que, d’après les propres dires du célèbre Marconi, les stations mondiales de T.S.F. avaient enregistré des signaux hertziens d’origine