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Et, jusqu’en son sommeil, cherche et sent ses caresses.
Je verse tous les vins et toutes les ivresses.
Et cependant j’ai l’air d’un enfant nu qui rit.
Regarde-moi, je suis l’Amour. Tout ce qu’on dit
Est faux. Je suis charmant, je suis doux et docile.
Comme la mer d’été miroite autour d’une île,
Avec tous ses rayons, avec tous ses oiseaux
Le Printemps fait pour moi briller ses arbrisseaux
Et, sachant que l’Amour est le roi de sa fête,
Prend sa couronne d’or et la met sur ma tête.
— Reconnais-moi, suis-moi, poursuis-moi ; je le veux.
Tu m’as longtemps cherché : je suis l’Amour heureux !


II


La Vie enfin au Rêve arrache un jour son masque :
La riche vérité se montre et resplendit ;
Et l’on voit reculer l’Illusion fantasque
En face d’un bonheur qu’elle n’a pas prédit.

Sainte Réalité, je te croyais moins belle !
Qu’on est calme avec toi, qu’on est fier, qu’on est fort !
Quelquefois on te craint, même lorsqu’on t’appelle.
Mais, quand tu viens ainsi, le plus doux songe est mort.

L’imagination la plus vaste est débile
Devant toi, noble Hercule, et tes mille travaux ;
J’ai trouvé sur ton sein le nourrissant asile
Et dans ta main la clef des univers nouveaux.


III


Tu disais que les dieux ont bien d’autres soucis ;
Que les mortels n’ont pas de secours à leur peine ;
Que la coupe de fiel n’est jamais la moins pleine,
Et que l’Ange est toujours au seuil du Paradis.

Tu disais que le ciel, comblé d’étoiles mortes,
N’est qu’un palais désert évité par ses rois.
Tu disais que la nymphe a dû fuir de ses bois.
Et que seuls les tombeaux ouvrent encor leurs portes.