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interlocuteur indiscret des coups de pied. Cette fois, Mme de Turpin juge qu’elle doit sévir : elle met l’enfant en pénitence « dans une chambre du bout de la maison qui donne sur les fossés du château. » Quand la porte se referme sur lui, il crie beaucoup, menaçant de déchirer tout ce qui lui tombera sous la main et de se jeter par la fenêtre. Bientôt il semble s’être résigné, car on ne l’entend plus. La châtelaine, déjà un peu inquiète, lui dit à travers la porte qu’elle est prête à lui pardonner, s’il fait des excuses à M. de la Mouricière : elle n’obtient pas de réponse ; elle insiste sans plus de succès, et, « prise de peur » à l’idée que le prisonnier a ouvert la fenêtre et s’est laissé choir dans les douves, elle ouvre la porte, on se précipite… Personne ! Mme de Turpin est épouvantée, ses hôtes perdent la tête ; à force de chercher, Charles de Turpin découvre sous un lit le petit espiègle fort satisfait de sa vengeance et enchanté du trouble procuré à sa bienfaitrice, trouble qui, causé par une simple malice d’enfant, paraîtra excessif ; car les gens d’alors vivaient en perpétuelles alertes et devaient être habitués aux fortes émotions.

D’une extrémité à l’autre du territoire, ce n’étaient, en effet, dans ces premiers mois du gouvernement directorial, que vols à main armée, enlèvements, brigandages, assassinats, pillages et disparitions. L’un de ces crimes, demeuré, comme bien d’autres, impuni, se rattache, — on le sait depuis peu, — à certains épisodes de l’affaire complexe de Louis XVII. On n’a pas oublié, peut-être, que Barras prétendait avoir remplacé par un substitué et remis à Petitval, châtelain de Vitry-sur-Seine, l’enfant qu’il avait trouvé au Temple le 10 thermidor, s’acquittant ainsi d’une promesse faite au financier royaliste en retour de son appui pécuniaire aux préparatifs du renversement de Robespierre. Petitval était un homme parfaitement honnête et grandement estimé : on ne lui connaissait aucun ennemi. Puissamment riche, il aidait, « avec beaucoup de générosité et d’empressement, des personnes de considération tombées dans le besoin. » C’était lui, on l’a vu, que, après la mort de Louis XVI, Malesherbes avait, sur l’ordre du Roi, chargé des intérêts du Dauphin : en lui livrant le prisonnier, Barras, — il importe de le rappeler, — avait pris « les précautions nécessaires pour que l’enfant ne pût être enlevé » et stipulé « qu’il demeurerait toujours à la disposition de la Convention. »