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d’intelligence. » Elle avait grandement contribué à la pacification du printemps précédent et était également estimée des chefs royalistes et des généraux républicains. Les uns et les autres lui avaient, à maintes reprises, témoigné « au nom des Français une reconnaissance générale » et exprimé leurs félicitations « pour les services qu’elle avait rendus au pays. » Elle s’était fixée, depuis la reprise des hostilités, au château d’Angrie qui appartenait à son neveu Charles de Turpin et cette vieille demeure seigneuriale était devenue le refuge des officiers émigrés qui y trouvaient, dans leur dénuement, outre la sécurité due au grand renom de la châtelaine, « toutes les ressources qu’on pouvait attendre d’une hospitalité noble et généreuse. »

L’enfant recommandé par MM. de Scepeaux et de Chatillon reçut donc bon accueil ; Mme de Turpin de Crissé « fut au-devant de lui dans la cour ; » il était « un peu honteux de ses pauvres habits » et avait l’air « inquiet. » La vicomtesse le rassura, l’engagea à ne point se considérer comme étant chez des étrangers et, pour dissiper son embarras, lui conseilla de s’occuper à « quelque petit jeu. » Ce qu’entendant, l’enfant se mit à pleurer, disant que « depuis qu’il avait vu périr sa mère, il ne prenait plus d’amusement. » Mme de Turpin augura « bien d’un aussi heureux naturel ; » dès le lendemain, elle convoqua le tailleur, commanda pour son jeune hôte un petit habit gris de beau drap, à revers noirs, semblable à l’uniforme des chefs royalistes. Il mangeait, bien entendu, à la table de la châtelaine, un peu gêné « la première fois ; » mais, en quelques jours, « il se fit très bien à tous les usages » du monde nouveau où il allait vivre : seulement, « il abusait de la complaisance des domestiques et les impatientait ; » il était, en outre, rebelle à toute étude ; Mme de Turpin entreprit de lui enseigner à lire, à compter, à écrire et à lui apprendre le catéchisme ; mais, quoiqu’il fût intelligent, elle le trouva toujours « distrait, ennuyé et ayant horreur de l’application. »

Les visiteurs étaient nombreux au château d’Angrie ; c’était, en quelque sorte, un lieu d’asile et les émigrés de passage y venaient chercher quelque répit. Le petit « de Vesins » se montrait envers eux familier ; un jour qu’un certain M. de la Mouricière, intrigué, sans doute, de sa présence, l’avait trop longuement et trop curieusement interrogé, l’enfant manifesta son impatience en allongeant à son