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toujours viciées par le point de départ de ses raisonnements : l’Allemagne, répète-t-il, n’est pas en mesure de payer aux Alliés ce qu’elle leur doit.

Il envisage aussi l’hypothèse d’un emprunt international, et propose, à cet effet, d’ouvrir deux crédits successifs, chacun de 200 millions de livres sterling (5 milliards de francs au pair, 13 milliards au change actuel), qui seraient fournis en majeure partie par les États-Unis et les neutres européens. Il n’explique pas clairement comment se répartiraient les produits et la charge de ces opérations. La première, selon lui, devrait permettre à un certain nombre de nations d’acheter au dehors les produits dont elles ont besoin. L’autre pourrait servir à une unification monétaire. Nous avouons notre scepticisme sur ce dernier point. En tout cas, le montant indiqué est modeste pour une œuvre de cette envergure, à laquelle bien des financiers se sont attaqués sans réussir jusqu’ici à mettre un projet viable sur pied.

Les dernières pages du volume sont consacrées à la question russe, qui est traitée brièvement par l’auteur, car, dit-il, beaucoup d’éléments lui manquent pour asseoir un jugement. Nous n’en retiendrons que des observations au sujet de la question vitale de la nourriture. Avant la guerre, l’Europe centrale et l’Europe occidentale tiraient de Russie une bonne partie des céréales qu’elles avaient besoin d’importer. Sans cet appoint, elles auraient été en déficit. Depuis 1914, ces importations ont été remplacées par les stocks, accumulés qui ont été consommés, et par les récoltes exceptionnelles de l’Amérique du Nord, obtenues en partie grâce aux hauts prix que paya M. Hoover, le grand chef du ravitaillement aux États-Unis. Dès maintenant, on peut craindre des difficultés d’approvisionnement, provenant du fait que la production européenne n’est pas encore remontée à son niveau d’avant la guerre, que les prix exceptionnels ne seront pas maintenus aux États-Unis, que l’Amérique elle-même a des besoins croissants, ne laissant qu’une quantité de moins en moins forte disponible pour l’exportation.

La conclusion est qu’il conviendrait de rétablir au plus tôt l’importation du blé et du seigle russes ; mais les récoltes, là-bas non plus, ne paraissent pas abondantes, et les moyens de transport sont défectueux. Il est donc nécessaire d’y réorganiser la vie économique. M. Keynes croit que notre intérêt est de pousser les Allemands à le faire, parce que, dit-il, s’ils obtiennent