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Ce serait un renversement complet du traité. L’Allemagne conserverait tout le charbon dont elle a besoin, n’en livrant à la France qu’exactement ce qui correspond au déficit des houillères du Nord et du Pas-de-Calais, et encore à condition qu’elle garde les charbonnages de la Haute-Silésie, faute de quoi elle ne nous en livrerait pas une tonne. Le bassin de la Sarre ne nous serait donné à bail que pour dix ans, et cela si nous fournissions à l’Allemagne le minerai de fer qu’elle réclame. Les pouvoirs de la Commission du charbon disparaîtraient comme ceux de la Commission des réparations. L’union douanière de l’Europe centrale serait constituée. Voilà par quels moyens M. Keynes entend « supprimer des causes de friction, éviter une pression fâcheuse opérée en vertu de clauses inapplicables, et rendre inutiles les pouvoirs intolérables de la Commission des réparations. Grâce à des clauses « modérées » en ce qui concerne le charbon, grâce à la livraison de minerais de fer, la continuation de la vie industrielle de l’Allemagne serait assurée.

Nous prions le lecteur de remarquer que nous ne critiquons pas la recherche de solutions qui soient de nature à permettre et même à faciliter l’exercice de l’activité allemande, dans tous les domaines. Nous approuvons les déclarations en ce sens faites par notre premier ministre, M. Millerand. Mais, où nous sommes en complet désaccord avec M. Keynes, c’est sur les mesures qu’il croit nécessaires à cet effet. L’Allemagne peut nous fournir le charbon promis par le traité de Versailles et en produire assez pour ses propres besoins. Il n’y a pas lieu de revenir sur les arrangements relatifs au bassin de la Sarre et à la Haute-Silésie, qui ont été mûrement élaborés par les Alliés. Il serait souverainement dangereux de toucher à un pacte solennel qui doit être, contrairement à l’avis de M. Keynes, le point de départ d’une vie nouvelle, dans laquelle la Ligue des Nations pourra jouer le rôle utile qui lui a été réservé.


V

Dans ce même chapitre des remèdes, auquel nous faisons de si fortes objections, se trouve cependant un projet auquel nous devons rendre hommage ; il répond à une idée qui s’est fait jour à maintes reprises et qui est la suivante. Au cours de la guerre, les Alliés ont été amenés à se faire les uns aux autres