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houillère allemande était de 191 millions de tonnes, dont 19 étaient consommées sur place et 33 exportées. Il restait donc 139 millions pour les besoins intérieurs. Si l’on en déduit les 25 millions ci-dessus, plus les 20 millions que l’Allemagne doit, pendant quelques années, à la France pour remplacer le tonnage que ne fournissent pas ses houillères du Nord et du Pas-de-Calais, il reste un chiffre qui, nous dit-on, est inférieur aux besoins de l’Allemagne. Nous regrettons que M. Keynes n’ait pas fait un calcul analogue pour la France et n’ait pas démontré à ses lecteurs, ce qui était aisé, que notre situation est encore bien plus critique. Nous avions besoin, avant la guerre, de 60 millions de tonnes, dont nous importions le tiers ; notre production de 40 millions est réduite de moitié. Nous n’avons donc en ce moment, par nous-mêmes, que le tiers du combustible qui nous est nécessaire. Avons-nous outrepassé nos droits en exigeant de l’Allemagne des livraisons qui, même si elles étaient faites ponctuellement, ne suffiraient pas à nous remettre dans la situation où nous étions en 1913 ? Nous ne recevrions en effet que 27 millions de tonnes qui, ajoutées à notre production de 20 millions, ne nous donnent que 47 millions, soit un cinquième de moins que notre consommation de 1913. Qui donc empêche l’Allemagne de se mettre énergiquement à la tâche et d’augmenter sa production, de façon à subvenir à la fois à ses besoins et à ses engagements ?

M. Keynes critique violemment la remise, imposée à l’Allemagne, de tous ses bâtiments de commerce de plus de 1 600 tonnes, et d’une partie de ceux d’un tonnage moindre. Mais cette cession ne rend pas à l’Angleterre ni à la France le tonnage de ces deux puissances qui a été détruit par les torpillages allemands : l’Allemagne se trouvera dans la situation où elle était avant la création relativement très récente de sa marine marchande et dont les États-Unis eux-mêmes souffraient avant la guerre, alors qu’ils effectuaient la majeure partie de leur exportation et de leur importation sous pavillon étranger.

M. Keynes s’élève contre les stipulations du traité concernant les propriétés allemandes situées hors des frontières, particulièrement dans les ex-colonies de l’Empire et en Alsace-Lorraine. Mais le produit de la liquidation de ces propriétés doit être imputé au compte des réparations dues par l’Allemagne. Cette clause ne constitue donc qu’un mode d’accélérer le