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serions pas étonnés qu’un de ces jours nous fussions gratifiés d’une traduction française. Nous voulons la combattre par avance. Le livre est écrit avec talent ; les chiffres, présentés d’une façon insidieuse, impressionnent le lecteur qui ne connaît pas le fond des choses. Il est temps qu’une voix s’élève pour arrêter la contagion de ces sophismes, qui éblouissent d’autant plus que, jusqu’ici, la teneur exacte de ce document touffu qui s’appelle le Traité de Versailles n’est guère connue ni comprise du public. D’innombrables discours, articles de journaux et de revues, lui ont été consacrés, les uns pour le louer, un plus grand nombre pour le critiquer. En France, en particulier, un concert de plaintes s’est élevé sur l’insuffisance des réparations accordées aux victimes et sur les difficultés que rencontre le relèvement de nos provinces meurtries, qui est cependant le minimum de la tâche que les esprits les plus modérés considèrent comme devant incomber à l’Allemagne, la principale, en ce qui nous concerne, que la paix lui ait imposée.

Ces divergences d’opinion, à elles seules, démontrent que le traité de Versailles n’est point un écrasement pour nos ex-ennemis, puisque tant de Français se déclarent lésés. Mais il n’est plus question chez nous aujourd’hui de revenir sur les clauses de cet instrument solennellement accepté par tous les signataires ; ce qui n’empêche pas que, de l’autre côté du Rhin, on s’enhardit de plus en plus à parler de la révision. Sur la rive gauche, nous sommes unanimes à ne demander qu’une chose : l’exécution du pacte. Comment M. Keynes ne comprend-il pas que le fait seul, de la part des Alliés, d’admettre le principe d’une révision serait la condamnation irrémédiable de tous les accords intervenus ? Une pierre enlevée à la muraille la ferait s’écrouler tout entière. Or cette muraille est la seule qui nous protège contre le retour, toujours à redouter, de l’esprit de conquête, de violence, d’injustice, de barbarie, qui est loin d’avoir disparu chez certains de nos adversaires d’hier. Comment oublier qu’ils ne reconnaissent que la force, qu’ils ne s’inclinent que devant la force, et qu’ils considéreraient comme l’aveu le plus insigne d’une faiblesse irrémédiable, la réouverture, consentie par les Alliés, d’une discussion sur un seul article du traité ? Avec notre terrible légèreté, avons-nous déjà oublié les leçons de la guerre ? Est-ce hier que Tacite définissait les Germains natum mendacio genus, engeance née pour le