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la créera forcément, — les officiers de complément ne retrouveront plus les camarades qui ont travaillé sur les mêmes bancs ; ils rencontreront une mentalité trop exclusivement accusée pour ne pas leur être étrangère et ils se grouperont à l’écart.

Le danger n’est pas à redouter pendant les quelques années où les générations de la guerre compteront encore dans les cadres de l’armée active ; mais il apparaîtra vite, à mesure que le temps aura amené au service des générations nouvelles. Or, précisément avec le temps, il est raisonnable d’admettre dans l’état militaire de la France un resserrement des cadres de carrière et une extension correspondante des cadres de complément ; la fusion de ces deux éléments prendra donc de plus en plus une importance capitale, et le maintien de la diversité d’origines s’impose comme plus apte à fournir cette fusion. Officiers de carrière et officiers de complément bien fondus, bien amalgamés, doivent conserver à notre cadre la faculté d’adaptation à la troupe, qui a assuré au cours de cette guerre la cohésion de l’armée nationale.

Sans doute il faut bien en arriver à spécialiser l’officier de carrière, mais ce n’est pas par des études préparatoires ni par un programme d’examen ; c’est par un mode d’existence prolongé, c’est par une conception du devoir longuement et pratiquement inculquée, en un mot, c’est par la vie militaire qu’on spécialise l’officier en tant qu’élément social. Quant à la spécialisation d’armes, il est inutile d’en parler ; elle n’est qu’une nuance technique imperceptible aux profanes. Demandez leur avis à ces 4 500 officiers de cavalerie qui ont enjambé leur technicité pour venir prendre place au milieu de leurs camarades de l’infanterie, parce que, là, disait-on, la besogne était plus dure ; ils vous répondront qu’ils étaient spécialisés sans doute, mais spécialisés comme officiers français.

L’enseignement destiné à former des officiers est donc donné tout d’abord, et principalement, par le cadre même de leur existence, par les mœurs sociales de ce cadre. Il est, en outre, développé et vivifié par un enseignement purement professionnel destiné à dresser l’officier, quelle que soit son arme, au double rôle de chef et d’instructeur.

C’est à cet enseignement professionnel surtout que s’appliquent les expériences de la guerre. Celles-ci ont modifié sur bien des points la manière d’employer une troupe au feu ;