Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
comment finit la guerre.

qui demandait des préparations d’attaque suivies d’exécution sur plusieurs autres points du front, afin d’obtenir la surprise, tout au moins relative ; il réclamait une artillerie exceptionnellement puissante, afin de pouvoir raccourcir la durée de la préparation sans compromettre l’exécution des destructions ; et il ajoutait : « Le choix de la saison a une grande importance ; la rapidité dans la marche demande un bon terrain praticable en dehors des routes ; le développement de l’opération serait favorisé par les journées longues et les nuits claires. Il est à espérer que des opérations antérieures à la principale auront enlevé à l’ennemi la liberté de ses mouvements et l’initiative des attaques, et que nous pourrons attendre les belles journées qui nous permettront de faire entrer en ligne nos contingents indigènes coloniaux. » Il exposa directement au général en chef que, sur un terrain d’attaque aussi difficile, dépourvu d’observatoires terrestres, il fallait presque nécessairement attendre les beaux jours, où l’observation aérienne est facile, et le sol ferme. Ces demandes et ces remarques étaient soumises au commandement comme éléments d’appréciation pour être mises en balance avec tous les autres et entrer en facteur dans la décision à prendre, dont le chef est seul responsable.

Le général Nivelle ne cessa de répéter qu’il fallait aller « le plus loin possible » dès le jour de l’attaque ; le général Micheler fixa une première ligne à atteindre en trois heures et une seconde ligne trois heures après. Il entra dans des détails trop minutieux qui ne laissaient aucune initiative à ses subordonnés et il s’ensuivit quelques dissentiments que le général Nivelle eut à apaiser. Mais c’étaient là des détails.

Aller le plus loin possible, c’est progresser jusqu’à ce que l’attaque rencontre un obstacle qu’elle ne puisse vaincre sans le secours d’une nouvelle préparation méthodique ; ce n’est pas par les ordres qu’elle sera arrêtée, c’est par le fait de l’ennemi ; le commandement se met en mesure de profiter du désarroi constaté si souvent sur certains points du champ de bataille devant l’attaque et, à cet effet, il monte tous ses subordonnés en indiquant des objectifs très éloignés. Le principe est mieux qu’irréprochable, et son application en 1918 a donné la victoire aux Français, après avoir valu aux Allemands leurs succès de mars et de mai.

La nécessité de prévoir l’exploitation du succès après la rup-