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le bureau allemand de la presse.


traits, des souvenirs égaient le récit et viennent divertir l’attention, au moment où elle allait se perdre dans un dédale d’intrigues. Le tout est calculé pour persuader sans en avoir l’air et sans alarmer un moment la confiance du lecteur. Ni vainqueurs ni vaincus : on reconnaît la thèse allemande des derniers temps de la guerre. Les Souvenirs de M. Hammann appartiennent à cette époque. Ils étaient même tout imprimés au moment de la révolution, Ecrits à un moment où l’Allemagne, ne pouvant plus s’attendre à la victoire, n’avait pas cessé de penser qu’elle pouvait encore se sauver par le traité de paix, ils allaient paraître quand le post-scriptum du 10 novembre 1918, au lendemain de la chute de l’Empereur et à la veille de l’armistice, vint marquer comme un cri de douleur l’effondrement définitif des espérances allemandes.

Ces Souvenirs, composés en vue des pourparlers de paix et en vue se l’opinion autour de la Conférence, sont donc encore un livre de guerre ; ils appartiennent au service qui était depuis longtemps l’office du directeur du bureau de la presse : c’est un ouvrage de propagande. L’Allemagne n’a pas voulu la guerre ; elle n’a rien à se reprocher dans l’immense conflit ; elle a toujours été loyale et pacifique. On la voit sans cesse occupée à résoudre en douceur tous les désaccords successifs qui ont menacé la paix universelle…

Nous avons là un résumé de l’histoire diplomatique, le tableau de quinze ans de la politique du Neuer Kurs, comme on appelle là-bas la nouvelle orientation qui a suivi la chute du prince de Bismarck. L’auteur nous promène dans les cinq parties du monde. Je n’aurai garde de l’y suivre ; ce n’est pas mon allaire de contrôler son dire au sujet des accords de Samoa ou de Simonosaki. Ce qui est beaucoup plus intéressant pour nous, c’est la peinture que l’auteur nous fait sans y penser de la vie intérieure allemande et des mœurs politiques de Berlin et de l’Empire, à une époque si importante, pendant la première phase du règne de Guillaume II. Le livre abonde en renseignements curieux sur un milieu où nous n’avons pas souvent l’occasion de pénétrer. Ce sont des scènes de la vie politique allemande, à l’heure où cette politique, avec les successeurs de Bismarck, aborde de nouvelles destinées.