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victoire sur tous leurs ennemis cachés ou découverts, et paix inaltérable. »

Devant Notre-Dame de Reims, cathédrale du sacre, le grand sculpteur Paul Dubois avait, en 1896, fait chevaucher Jeanne ; en 1909, c’est sous les voûtes mêmes de la basilique que soixante-dix châsses de saints, solennellement promenées, faisaient cortège à son étendard ; il semblait que les vieux saints de France, présents dans leurs reliquaires, voulussent l’introduire dans leur lignée, comme elle avait elle-même, sous ces mêmes voûtes, fait entrer Charles VII dans la lignée des rois[1].

Cependant commençait de circuler, dans les archipels océaniens qu’évangélisent nos Maristes, une goélette qui s’appelait goélette Jeanne d’Arc : c’était un archevêque anglais, le cardinal Moran, de Sidney, qui la bénissait. Après avoir, dès 1871, écrit en anglais une des premières vies populaires de Jeanne, il lui dédiait une église, en Australie. Jusqu’aux antipodes, l’Angleterre rendait hommage à Jeanne : la diffusion même du nom anglais profitait au nom de la Pucelle. Les panégyriques Orléanais de 1855 et 1869 aboutissaient à ces triomphes, les clairvoyants desseins de Dupanloup s’accomplissaient.


X. — LA VICTOIRE D’UNE SOUFFRANCE ÉPISCOPALE : JEANNE D’ARC, « SAINTE DE LA PATRIE »

Mgr Touchet désirait les mener à leur terme, et que, de bienheureuse, Jeanne devint sainte. « Quand j’ai ouvert la procédure, avait-il dit un jour à Léon XIII, je savais avec tout le monde que Jeanne avait été le plus beau des chevaliers, mais en était-elle le plus saint ? Je le sais maintenant. Que de fois les juges et moi, tandis que nous recueillions les dépositions, nous nous sommes regardés, disant : Se peut-il que Dieu ait créé une âme pareille ? Aussi quand Votre Sainteté béatifiera Jeanne, dès le lendemain, avec sa permission, je poursuivrai la canonisation. — Benè, avait répondu le Pape. L’évêque d’Orléans considérait que ce monosyllabe traçait à jamais sa route. Il constatait d’ailleurs, à la fin de 1910, qu’il y avait

  1. Voir, sur ces solennités, les éloquentes pages de Mgr Landrieux, alors archiprêtre de Reims, dans la publication collective : Hommage de l’épiscopat français à Jeanne d’Arc. Paris, 1920.