Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tances locales se firent sentir. Mes télégrammes ne parvenaient pas ou n’étaient pas remis par les commandants des camps d’officiers. Les groupes désignés étaient diminués, les départs retardés, les transports ralentis. Il me fallut plus de dix jours pour garnir tous les camps.

L’arrivée des officiers français dans les camps transforma la situation. Les soldats se rangèrent avec joie sous l’autorité de leurs chefs retrouvés. L’action de ceux-ci se fit aussitôt sentir, malgré toutes les résistances : amélioration des conditions hygiéniques, de l’alimentation, dont une grande partie était volée par les gardiens ou l’administration, distribution de vêtements obtenue, résistance énergique à l’arbitraire. La vie militaire renaissait. L’officier, dans son bureau improvisé, reprenait tout naturellement son autorité d’autrefois. Les sous-officiers viennent au rapport, transmettent les ordres, les soldats saluent, obéissent avec empressement, revivent. Parfois, un clairon, précieusement conservé, fait entendre les sonneries de la caserne. Des unités constituées et encadrées remplacent des foules amorphes et déprimées. Devant les officiers allemands qui rongent leur frein, devant les soldatenräthe stupéfaits de cette discipline affectueuse, la troupe a repris patience et confiance. Quand le tour de départ arrive, les fractions qui doivent s’embarquer sortent du camp en ordre, traversent la ville au pas et défilent clairons sonnants et, quelquefois, déployant des drapeaux improvisés devant le commandant français du camp qui s’est installé sur la place. Cette manifestation de discipline dont j’ai eu plusieurs exemples frappa vivement les populations par son contraste avec l’anarchie militaire allemande.

Jamais je ne pourrai suffisamment reconnaître le dévouement de ces braves officiers. Tous ont renoncé à leur tour de départ et veulent rester les derniers, comme le marin à son bord. Et ils ont dû accepter de vivre au régime de leurs soldats, logement et nourriture. Cette condition imposée et d’ailleurs inévitable m’a déterminé à ne choisir que des volontaires. Cette action bienfaisante portera ses fruits dans l’avenir. Cette marque de dévouement, ce témoignage d’affection pour les soldats, a certainement touché ceux-ci profondément, et je suis assuré que, rentrant dans la vie civile, ils ne l’oublieront pas. Contre la propagande bolchéviste que les Allemands s’efforçaient de répandre dans nos camps, contre l’excitation