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Mais, de ce chiffre, elle demande, d’abord, à déduire toutes les livraisons qu’elle a faites en nature depuis l’armistice, navires, matériel de chemin de fer, machines industrielles ou agricoles, marchandises, chevaux, bestiaux et autres prestations. M. Loucheur a dit à la Chambre que, d’après ses calculs, il resterait encore, pour la part de la France, après ces défalcations diverses, une somme de cinq ou six milliards. Plaise au ciel qu’il ait raison! Plaise au ciel surtout que nous soyons assurés de toucher la somme, quelle qu’elle soit, qui nous sera attribuée! Pour qu’elle ne nous échappe pas et pour que chaque fraction suivante nous soit régulièrement payée, nous devons ne pas nous relâcher un instant de notre vigilance.

Je crains que le « Conseil suprême » n’ait commis, à cet endroit, une assez dangereuse imprudence. Car le « Conseil suprême » est un mort récalcitrant. Dans un vigoureux discours, M. Millerand déclarait, ces jours-ci, à la Chambre : « Si, pendant plus d’une année, non sans de graves inconvénients pour les problèmes urgents de la paix, les chefs des gouvernements alliés ont pu s’absorber directement et exclusivement dans la besogne qui, jusqu’alors, avait coutume d’être confiée à des diplomates, il est trop clair qu’une pareille procédure ne peut se prolonger, quand bien même, — ce que je ne veux pas examiner, — les inconvénients de cette procédure ne l’emporteraient pas sur ses avantages; il y a, pour y mettre un terme, une raison capitale et suffisante, c’est qu’elle est pratiquement impossible. » J’ai donc la grande satisfaction de me trouver entièrement d’accord avec M. Millerand. Le Conseil suprême est mort. Mais il est de ces morts qu’il faut qu’on tue et le voici qui ajoute tous les jours un codicille aux testaments qu’il avait rédigés de son vivant. Il demande maintenant qu’on prolonge de deux mois le délai qu’un protocole, signé le 28 juin 1919, a imparti à l’Allemagne pour présenter, en vue des réparations dues par elle, des documents et des propositions. Il espère ainsi abréger les enquêtes nécessaires et accélérer les décisions. Mais, comme notre loi sur les dommages de guerre ne cadre pas avec le traité de paix et comme on vient seulement de s’aviser de les mettre en harmonie, nos commissions cantonales n’auront fait, à l’expiration du délai accordé à l’Allemagne, qu’une partie insignifiante de leur travail ; nous ne serons pas à même de discuter utilement les propositions qui nous seront adressées et nous risquerons de voir notre créance évaluée à la hâte et au rabais. Telle n’est certainement pas l’intention de M. Lloyd George, qui disait ces jours-ci, à la Chambre des Communes, dans un discours inspiré