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l’Angleterre et la Belgique à l’expédition de leurs charbons vers la France, les grèves successives de la batellerie, des chemins de fer, des mines du Nord et du Pas-de-Calais, ont encore raréfié la production et entravé la distribution du combustible. De là résultent pour nos régions libérées les conséquences les plus funestes. Quoi que fasse actuellement le ministre des travaux publics, il ne peut leur réserver, tout au plus, que 60 pour 100 des tonnages qui leur seraient nécessaires.

Allez dans le Nord, dans le Pas-de-Calais, en Lorraine. Vous verrez les usines à gaz marcher péniblement au jour le jour, les verreries ralentir leur travail pour éviter l’extinction de leurs fours, les industries céramiques et les briqueteries végéter misérablement, faute d’une alimentation suffisante, alors que, pour remettre en état les régions dévastées, il faudrait, au contraire, produire abondamment tuiles, briques et produits céramiques. Encore les départements libérés sont-ils, en raison de l’urgence et de l’étendue de leurs besoins, un peu mieux partagés, dans la distribution du charbon, que le reste de la France; et personne ne contestera que ce soit justice. Mais, partout ailleurs, l’industrie est dans une situation encore plus critique; il ne lui est affecté qu’environ trente-neuf pour cent du tonnage normal. Pour ne pas fermer et pour ne pas laisser des milliers d’ouvriers sur le pavé, nombre d’usines sont obligées de brûler, à des conditions onéreuses ou gênantes, du bois, de la tourbe, des déchets ou autres combustibles de remplacement. Aciéries, verreries, et je pourrais dire, d’une manière plus générale, toutes les industries à feu continu, en sont réduites à n’utiliser qu’une très faible partie de leurs moyens d’action, tout cela au détriment de la richesse nationale. Dans beaucoup de-villes, le gaz n’est délivré aux habitants que pendant quelques heures par jour, au moment des repas. Bref, si l’Allemagne vaincue est forcée de se priver un peu, la France victorieuse se prive encore davantage, et peut-être n’est-il pas mauvais que, dans leur esprit d’équité, dont nous ne doutons pas, nos alliés méditent sur cette comparaison.

Quoique obligée envers nous par un protocole qu’elle avait signé avant la ratification du traité, l’Allemagne ne s’est acquittée jusqu’ici de sa dette de charbon qu’avec la plus évidente mauvaise volonté. Son attitude n’est pas faite pour nous donner un complet apaisement sur la prochaine liquidation de ses autres dettes. L’Allemagne est tenue, en principe, de verser aux Alliés, avant le 1er mai 1921, un premier acompte de 20 milliards de marks en or.