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n’avons exporté que pour 8 milliards 700 millions. Mais le coup de pouce est donné et le mouvement se poursuivra.

Pour qu’il s’accélère et pour que notre industrie sorte de la torpeur à laquelle la guerre l’a fatalement condamnée, il nous faut, avant tout, du charbon. M. Loucheur a eu raison d’insister sur cette nécessité vitale. Sans charbon, la France ne tarderait pas à dépérir. L’étal du bassin de la Ruhr, aggravé par les événements auxquels je serai forcé de revenir tout à l’heure et dont le Reich porte la responsabilité, va plus que jamais compromettre les envois de combustible que nous doit l’Allemagne. Mais, avant même qu’elle pût invoquer, pour se dérober à ses engagements, les troubles civils qu’elle a envenimés, elle s’était arrangée pour restreindre les expéditions et elle avait essayé d’apitoyer les Alliés sur le sort de sa propre industrie.

Il n’y a point à nous dissimuler qu’en Angleterre et en Amérique ces tentatives de diversion sont, en ce moment, accueillies avec une faveur particulière par une trop grande partie de l’opinion. Que les familles allemandes meurent de froid auprès de leurs foyers éteints, que les cheminées des usines allemandes soient privées partout de leurs panaches de fumée, ce sont là des légendes qui font aisément fortune chez nos alliés. Depuis l’armistice, du reste, un grand nombre d’industriels et de financiers, venus des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, ont pris, comme c’était leur droit, de larges participations dans les plus belles affaires allemandes et leur point de vue s’est, par suite, sensiblement déplacé. Par amitié pour nous, ils seraient très heureux que nous pussions recevoir tout le charbon que le traité de Versailles nous permettait d’espérer, mais, par intérêt pour leurs participants, ils redoutent de leur infliger des privations excessives. Pour mettre leur conscience plus à l’aise, nous avons le devoir de les renseigner sur notre véritable situation. Elle est loin d’être brillante. En 1913, nous avions consommé plus de soixante-trois millions de tonnes de combustibles; en 1919, nous n’avons pas disposé de quarante-deux millions; il nous en a manqué plus de vingt et un millions. Dans ces chiffres, les foyers domestiques recevaient, en 1913, près de douze millions de tonnes; ils ont dû, l’an dernier, se satisfaire avec sept millions ; notre grande industrie employait, en 1913, trente millions six cent soixante-dix mille tonnes; il ne lui en a été attribué, l’année passée, que quatorze millions quatre cent soixante-huit mille. Depuis le mois de janvier, cet état de choses a empiré : les restrictions imposées par