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dans ce « demain » inexploré, qui est le but inaccessible et pourtant la seule raison d’être de tout effort, de toute pensée humaine.

Et alors on peut légitimement se poser la question suivante : en découvrant le rôle, reconnu chaque jour plus important, de la sécrétion interne, de la sécrétion thyroïdienne et des autres analogues, dans les phénomènes de nutrition, de croissance, de morphogenèse, — pour employer un terme technique qui dit bien ce qu’il veut dire, — n’a-t-on pas mis la main sur une des causes les plus essentielles de ce qui était resté jusqu’ici un mystère presque métaphysique : la croissance et la formation du corps ?

Rappelons ce que disait Dastre sur ce sujet : « Pour Aristote c’est la force vitale elle-même qui, dès qu’elle s’introduit dans le corps de l’enfant, en pétrit la chair et la façonne à la forme humaine. Des naturalistes contemporains, comme les américains C. O. Whitmann et C. Philipps ne raisonnent pas autrement. D’autres, comme Blumenbach et Needham au XVIIIe siècle, invoquaient la même divinité sous un autre nom, celui de nisus formaticus. D’autres enfin se paient de mots ; ils parlent d’hérédité, d’adaptation, d’atavisme comme si c’étaient des êtres réels, actifs, efficients, tandis que ce ne sont que des appellations, des noms qui s’appliquent à des collections de faits. » (Dastre, la Vie et la Mort, p. 43). Et Rubner a dit aussi : « Dans tout le règne animé, des plus simples microorganismes jusqu’aux êtres de l’organisation la plus complexe, cet impérissable pouvoir de croissance qui, depuis la genèse du premier protoplasma dans l’infini du passé a créé la structure des débris fossiles des premiers âges aussi bien que notre propre existence, cette capacité de croître est restée comme le plus remarquable phénomène de la nature, la suprême énigme de la vie. »

Eh bien ! l’étude des sécrétions internes nous permet de soulever timidement un léger coin du voile. Mais que les rêveurs amants du mystère se rassurent, il reste encore là-dedans, et il restera toujours beaucoup d’inconnu !

Nous savons maintenant que la formation du squelette tout entier est sous la dépendance de la sécrétion thyroïdienne et peut-être aussi du tymus. Elle est réglée aussi par d’autres glandes et notamment par le corps pituitaire, c’est-à-dire l’hypophyse, puisque après la suppression de cette glande, il se produit un accroissement démesuré des extrémités qui caractérise cette maladie appelée le gigantisme. Nous savons aussi que la sécrétion thyroïdienne régit le développement du cerveau et des fonctions cérébrales les plus hautes, les