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prochaine. Il signalait la rivalité fatale qui poussait l’une contre l’autre l’Allemagne et l’Angleterre. Il dénonçait la course aux armements, l’Europe prête à sauter comme un baril de poudre. Et derrière ces périls, il en distinguait un nouveau : la face menaçante de la révolution.

« L’industrie à outrance, disait-il, est la cause d’une transformation qui, commencée en Angleterre, s’est étendue aux autres pays, et qui pose jusque chez nous des problèmes que nous sommes mal préparés à résoudre. Il s’agit d’une société dont il n’existe pas encore d’exemple et où, par le moyen du suffrage universel, le quatrième État doit monter au pouvoir. L’ouvrier, principal élément de cet État, s’apprête à gouverner, sans avoir reçu pour cela l’éducation indispensable. Toutes les anciennes démocraties, auprès de celle qui s’annonce, n’auront été que d’étroites et dédaigneuses oligarchies. Il est clair que le passé ne peut plus nous servir de guide ; aucune des formules qu’il nous lègue ne nous est plus d’aucun secours. Nous sommes en face de l’inconnu, en présence des dangers que l’avenir présage. »

L’article se terminait ainsi : « Dans ces conditions, quel est le rôle de l’Italie ? Jeune encore, dernière venue des grandes nations de l’Europe, elle a besoin, pour achever de se constituer, de l’expérience de ses aînées. Aucune pourtant n’est mieux placée pour comprendre et pour faire comprendre que la civilisation est un bloc, que la culture d’un pays est nécessaire aux autres, que la défaite ou la destruction d’un des membres serait un malheur pour l’ensemble. Elle peut dire enfin qu’en présence des périls qui menacent la société moderne, ce n’est pas trop, pour les combattre, des forces réunies de toutes les nations civilisées. Ainsi l’Italie peut devenir un élément de paix et de progrès dans le monde. »

On sait ce qu’il en fut de ce beau rêve. La guerre, en dépit de ces sages avertissements, était déjà résolue par les alliés de l’Italie. Ai-je besoin de dire la suite ? Quelqu’un de plus autorisé que moi vient d’écrire, ici même, ce qu’a fait l’Italie pour la cause commune ; et l’on a vu plus haut quel fut, à l’heure critique de mai 1915, le rôle de Pasquale Villari. Puisque l’Autriche rompait le pacte, le sort était jeté : rien n’arrêtait plus l’Italie dans le sens de ses destinées nationales.

C’est un de mes plus vifs regrets de n’avoir pu, pendant la