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la sienne dans l’Enfer, et elle apaise pour les malheureux les tortures du feu éternel. Quand le poète monte au Purgatoire et au Paradis, les passions se calment, son âme s’ouvre à l’espérance et à l’amour des choses célestes : mais elle n’oublie, pas la terre et les âmes bienheureuses lui parlent encore avec tendresse de Florence et de l’Italie. »

On voit assez l’originalité de ce point de vue. Ce que Stendhal nous avait enseigné à admirer dans l’Italie, c’est l’énergie de l’individu, la beauté de la plante humaine débarrassée de toute morale et de tout frein social, ne consultant que son plaisir, et considérant les passions comme des faits naturels, que l’intelligence manœuvre comme le pilote navigue en se servant des vents contraires. Cette politique réaliste, ce machiavélisme appliqué à la poursuite du bonheur, voilà l’idéal pour l’auteur de l’Abbesse de Castro : il ne cesse de lui opposer la « morale » des pays du Nord, la convention, le cant des nations protestantes, l’étiquette bourgeoise et gourmée des peuples sur lesquels règne la Bible. Pour d’autres analystes, comme Burckhardt, la « découverte de l’individu » est le fait essentiel de la Renaissance, auquel on doit même pardonner le désordre et le crime : rançon de la conquête, admirable qui a fait découvrir une valeur nouvelle et ajouté un prix inconnu à la vie. L’interprétation de Villari est tout autre. Pour lui, la vraie Italie, et on en croira peut-être sur ce point un grand Italien, ce n’est pas l’Italie corrompue des tyrans, c’est l’Italie républicaine, l’Italie héroïque des démocraties médiévales. C’est celle-là qui continue les grandes traditions romaines ; l’Eglise, la cite, l’Empire, l’organisation de l’Etat, le Droit, l’idée de la patrie et celle de la loi, voilà les véritables fruits de la culture classique. Ce qui est latin ne se sépare pas de l’idée d’humanité.

Ainsi l’histoire de l’Italie et celle de l’Europe se résument, depuis les invasions, dans une longue lutte de la démocratie et du monde féodal, héritier des barbares, lutte qui se termine par la défaite du germanisme. Mais à ce moment l’Italie, épuisée par trois siècles de luttes, n’a plus la force d’achever son unité nationale. Elle perd sa liberté. Son affaiblissement la livre aux tyrannies. D’autres nations, qu’elle a instruites, héritent de sa tâche. A cet instant, se produit sous une forme imprévue une nouvelle offensive germanique : excité par un moine allemand, le mouvement de la Réforme, mi-religieux,