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Journal l’Opinione, sur la Maffia, la Camorra, eurent un retentissement immense. Un de ses articles, au lendemain des déboires de 1866, fit tant de bruit qu’un pharmacien, en guise de réclame, s’avisa de le réimprimer sur le papier dont il enveloppait ses drogues, tandis que les électeurs de Bologne offraient à l’écrivain le siège de Minghetti. Et depuis ce moment, qu’il s’agit de l’école, de l’émigration, des conditions du travail ou de la misère à Naples, l’infatigable historien n’avait cessé de dire son mot et d’entrer dans le débat, se mêlant énergiquement à toutes les discussions de la vie politique, toujours dans l’intérêt de la « plus grande Italie. » Sous le nom de « Dante Alighieri, » il fondait une société, conçue d’après le modèle du Deutscher Schulverein et de l’Alliance française, et en faisait un instrument de propagande, un organe de liaison entre tout ce qui parle italien dans le monde, ayant pour objet de grouper les millions d’émigrants qui vivent dans les deux Amériques, en Tunisie, dans le Levant, ou qui forment, sur la côte slave de l’Adriatique, des îlots d’Italia irredenta.

Il était arrivé ainsi que Pasquale Villari se trouvait être en Italie un des maîtres de l’opinion, un directeur de conscience national. Il exerçait dans son pays une sorte de ministère ou de magistrature. Ce grand vieillard était le survivant de la vieille garde, le dernier témoin de la génération du Risorgimento, qui avait eu la gloire de faire l’unité italienne. Sa voix, comme une voix d’outre-tombe, semblait celle des grands ancêtres et des pères de la patrie. Sous toutes les formes, il n’a fait qu’enseigner l’Italie et donner aux générations nouvelles l’éducation nécessaire pour compléter l’œuvre commencée. C’est là le sens intime de tout ce qu’il a écrit. De là est venue à M. Bonacci l’idée d’en faire, à l’usage des classes et des gens du monde, un choix qui serait beaucoup moins un abrégé de l’histoire d’Italie qu’un catéchisme ou un manuel de l’ « italianité. »

On se fait souvent du rôle de l’historien l’image la plus fausse ; on le regarde comme abstrait des préoccupations présentes et concevant son œuvre en dehors de toute « actualité. » Quelle erreur ! Toute histoire digne de ce nom, si elle est autre chose qu’une simple recherche d’archives, est, plus encore que le roman