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couches, superposées au cours des âges géologiques, ont formé les célèbres alluvions de l’Egypte. Les crues ont des intensités variables ; la plus forte qui ait été constatée a atteint 19 m 70 (1874) ; la plus faible, qui s’est produite en 1913, est tombée à 12 mètres. La moyenne est de 16 m. 50 environ. Ce formidable volume d’eau laisse, sous forme d’héritage annuel, un limon qui contient plus de 8,82 p. 100 de matières organiques, 0,53 p. 100 de potasse, 0,57 p. 100 de soude, 3,7 p. 100 de chaux, 0,25 d’acide phosphorique, 0,145 p. 100 d’azote, etc. etc. pour 57 p. 100 seulement de matières insolubles et de sables. Avec quels soins sont recueillies des eaux aussi précieuses ! Jusqu’au siècle dernier les terres d’Egypte n’étaient arrosées qu’une fois par an au moment de la crue, et leurs eaux étaient réparties dans une série de bassins limités par des digues. Ainsi que nous l’avons dit, on semait dans le limon après le retrait du fleuve, on moissonnait, et on attendait l’inondation suivante. Ce système ne permettait d’obtenir qu’une seule récolte annuelle ; il est encore exceptionnellement employé dans certaines terres de la Haute-Egypte dites « malaks. » L’emplissage des hods a lieu dans la seconde partie du mois d’août, au moyen de brèches pratiquées dans les digues. Les bassins une fois submergés, la vallée du Nil ressemble à une véritable mer couverte d’îlots reliés entre eux par le réseau géométrique des digues. Les terrains ainsi détrempés pendant une quarantaine de jours, la vidange s’opère méthodiquement et peu à peu, afin de ne pas détériorer le système d’endiguement.

Bonaparte, entre autres idées géniales, conçut celle d’un barrage pour éviter cette grande déperdition d’eau en l’emmagasinant au moment de l’inondation, pour ne la livrer qu’au fur et à mesure des besoins culturaux. Ce projet ne fut réalisé que sous Méhémet-Aly, d’après les plans de l’ingénieur français Mougel. Le système d’irrigation a été ensuite perfectionné par l’administration anglo-égyptienne.

Un barrage a été construit à Assouan. Il peut retenir 2 300 millions de mètres cubes d’eau. Cette énorme provision e.st restituée par quatre barrages qui surélèvent les plans d’eau, à Esneh, à Assiout, au Caire et à Ziflah. En sortant de ces barrages, les eaux s’engagent dans une foule de canalisations dont les artères capillaires distribuent le limon sur toutes les zones cultivables. Lorsqu’elles se trouvent à un niveau