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De ces deux mémoires et de son propre Sommaire, Bréhal fit un paquet, qui en décembre, à Lyon, fut remis au chancelier de l’archiduc d’Autriche. Ce paquet devait être porté au dominicain Léonard de Brixenthal, qui professait à l’université de Vienne. Bréhal le priait de lire, et puis d’opiner : « La matière, lui écrivait-il, concerne l’honneur du très chrétien roi de France. » Nous ne savons quelle fut la réponse du frère Léonard. Mais, en France même, d’autres consulteurs étaient au travail : Robert Cybole, chancelier de Notre-Dame ; le franciscain Elie de Bourdeilles, évêque de Périgueux ; Thomas Basin, l’historien, successeur de Cauchon à l’évêché de Lisieux ; deux Tourangeaux de moindre importance ; et puis Jean de Montigny, chanoine de Paris et conseiller au Parlement. Et tous ces hommes d’Eglise absolvaient la Pucelle.

C’était certainement un très habile homme que maître Jean de Montigny. Il eut la finesse de sentir qu’une réhabilitation dont Charles VII serait le demandeur garderait certains dehors politiques. Les Turcs, à ce moment-là, étaient aux portes de Constantinople : Nicolas V visait à grouper contre eux, dans une même croisade, Français et Anglais. Montigny pressentit peut-être qu’un pouvoir spirituel tel que la papauté pouvait éprouver quelque gêne à paraître se ranger aux côtés de la France victorieuse, en poursuivant avec le roi de France une revanche juridique ; il fallait que la réhabilitation de Jeanne gardât quelque chose de plus pur, qu’elle n’apparût pas comme la consécration religieuse de nos succès militaires et politiques. Mais jamais il n’est gênant pour un pape, d’accueillir d’humbles voix qui lui disent : une monstruosité s’est accomplie, dont nous demeurons éclaboussés. Les parents de Jeanne, suggérait Montigny, « doivent, avant tous les autres, se mettre immédiatement en avant, et demander réparation de l’injure faite à la Pucelle par son supplice ignominieux. »

Isabelle, la mère, vivait toujours. Une supplique partit pour Rome, — en 1454, semble-t-il, — signée d’Isabelle et de ses deux fils. Une famille avait été lésée par la condamnation d’une fille innocente : cette famille demandait justice. Bréhal se trouvait à Rome : il réclama de Lellis, et puis de Pontanus, deux nouveaux mémoires, sans doute pour le Pape ; et la voix de ces spécialistes romains appuyait la pauvre femme des Marches de Lorraine. Alors, le 11 juin 1455, le pape Calixte III