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miraculeusement, contre toute attente, la couronne sur la tête de Charles. » — « Pucelle formée par le Saint-Esprit, » redisait de Jeanne, quelques années plus tard, la même plume enthousiaste. Cet écrivain, si notoirement rebelle aux abominables conclusions de Rouen, était un prêtre normand, du nom de Robert Blondel, précepteur du futur Duc de Bretagne. Il évoquait la Pucelle, pour presser Charles VII de reprendre là-bas, en terre normande, un pas de conquérant, et d’achever la libération de la France. Le prêtre qui faisait cet usage du nom de la Pucelle n’attachait pas à l’arrêt prononcé par Cauchon la valeur d’un authentique jugement d’Eglise.

Au demeurant, au cours des troubles religieux qui, jusque vers le milieu du XVe siècle, déchirèrent le monde chrétien, plusieurs d’entre les assesseurs universitaires de Cauchon avaient fait, au Concile de Bâle, œuvre de schisme, et tenté d’opposer au pape de Rome un autre pape. Ce Jean Beaupère qui avait dirigé le premier interrogatoire de Jeanne et qui avait ensuite porté aux universitaires de Paris les douze articles d’accusation, devenait, en 1438, devant l’Université de Vienne et le duc Albert d’Autriche, le porte-parole du concile de Bâle, alors délibérément schismatique[1]. Ce Thomas de Courcelles, qui avait joué, comme rédacteur du procès rouennais, un rôle si équivoque et opiné pour la condamnation, soutenait contre le pape, en 1438, en 1440, devant les deux assemblées de Bourges, la cause des Pères de Bâle,[2] ; et lorsque ceux-ci, en 1439, voulaient organiser une façon de conclave pour élire un antipape, Courcelles était l’un des triumvirs chargés d’en choisir les membres[3]. Ce chanoine Loiseleur qui, ayant demandé à être le confesseur de Jeanne, « faisait venir à l’oreille des notaires ce qu’elle lui disait en secret, » et finalement la condamnait, figurait parmi les dix témoins qu’entendait le Concile de Bâle contre Eugène IV et acceptait, en 1438, d’aller en mission de Bâle à Londres pour tenter, bien inutilement, de regagner l’Angleterre à la cause bâloise[4]. Lorsque,

  1. Noël Valois, Le Pape et le Concile, I, p. 118 et 230, et II, p. 137.
  2. Noël Valois, histoire de la Pragmatique Sanction, p. LXXX-LXXXI, et : Le Pape et le Concile, II, p. 231-233. Par une curieuse coïncidence, Courcelles dut tenir tête, en 1438, à Bourges, à ce Pierre de Versailles qui avait à Poitiers reconnu la mission de Jeanne et qui venait défendre les droits d’Eugène IV.
  3. Noël Valois, Le Pape et le Concile, II, p. 181.
  4. Noël Valois, Le Pape et le Concile, II, p. 104 et 132-135.