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Pucelle pour la glorification et le salut de la France, la confusion et la ruine de ses adversaires, et qui avez ensuite permis qu’en accomplissant la sainte mission dont vous l’aviez chargée elle tombât dans les mains de ces mêmes ennemis, accordez-nous, par l’intercession de la bienheureuse Marie toujours vierge et de tous les saints, de la voir échapper saine et sauve à leur puissance, et continuer librement l’exécution de vos ordres formels.


C’est après le Gloria de la messe que cette prière prenait place ; mais au cours du sacrifice, deux fois encore, le prêtre insistait, en rappelant à Dieu la besogne que Jeanne devait encore accomplir (quod superest suæ negociationis)[1]. Ainsi priait l’Eglise de France, non seulement pour la destinée de la Pucelle, mais pour son œuvre ; et cette prière même recelait un nouvel acte de foi dans la laborieuse vocation qui mêlait la vie de la Pucelle à la vie de la France.


VII. — UNE MACHINATION THÉOLOGIQUE CONTRE JEANNE : L’UNIVERSITÉ DE PARIS

Mais c’est précisément en raison de cet acte de foi, sans cesse renouvelé par la conscience française, que les ennemis de Jeanne allaient machiner contre elle un procès d’ordre religieux. Déjà, quarante-huit heures à peine après son arrestation, les universitaires parisiens y songeaient.

On était très anglais, dans le Paris d’alors. Le traité de Troyes faisait des Parisiens les sujets d’outre-Manche ; il semble qu’un certain nombre ne pardonnaient pas à « une créature qui était en forme de femme, — ainsi était désignée Jeanne dans le Journal dit d’un bourgeois de Paris, — de les troubler dans leur complaisante obéissance. Ils apprirent un jour qu’un Franciscain dont ils avaient acclamé les sermons de carême, le frère Richard, s’était manifesté, à Troyes, comme un partisan de Jeanne : de ce jour les dames regrettèrent les beaux atours qu’à la voix de ce prédicateur elles avaient brûlés : les hommes revinrent aux jeux de dés qu’il leur avait ordonné de quitter ; et l’on jeta de côté les médailles du nom de Jésus, dont il avait fait distribution. Il s’était fait le complice de Jeanne, une idolâtre : adieu ses cadeaux, adieu ses conseils[2] !

  1. Ayroles, op. cit. l, p. 687-688.
  2. Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domrémy, p. 260-283 (Paris, 1887).