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le plus menu détail, à voir « comment c’est fait. » En un temps où l’impressionnisme n’existait pis encore, au moins comme école, il a étudié, dit il, avec une passion et une minutie qui, aujourd’hui, lui paraissent étranges, les formes et les couleurs changeantes des terrains, des eaux, des arbres, des ciels. L’éducation de cet esthéticien n’a rien eu de livresque. Elle ne s’est pas faite dans les salons d’un Musée, sous la froide lumière blanche qui tombe d’une vitre dépolie. Il a vécu dans un contact direct et perpétuel avec une nature prodigieusement pittoresque et, en même temps, très variée, où le Nord et le Midi finissent par se fondre et par associer leurs aspects les plus intenses. Et ainsi s’est formé en lui, dès son adolescence, le sentiment très fort que le plus grand, le plus complet et le plus inimitable de tous les chefs-d’œuvre, c’est la nature, et que le plus grand des artistes, c’est la vie. Peut-être que Robert de la Sizeranne n’est pas loin de conclure que nul pnysnge de maître ne vaut un lever d’aube ou un coucher de soleil sur ses montagnes natales ; — et peut-être qu’il pense, comme Ruskin, que les sldues grecques les plus fameuses ont moins de beauté qu’une jeune Anglaise bien portante.

Mais, à ce compte, l’art ne servirait donc à rien ? En face de la beauté naturelle, la beauté esthétique n’aurait que la valeur d’un reflet, ou ne serait qu’une glose très inférieure au texte ? L’auteur du Miroir de la Vie a surabondamment répondu, dans ses livres, à cette objection. Rappelons seulement qu’il voit, dans l’art et dans l’artiste, la manifestation de la même puissance mystérieuse, créatrice de joie, de paix et d’harmonie que dans les grandes œuvres de la nature. Si ce n’est pas la même, elle est de même famille, de même origine. L’art prolonge la nature, y ajoute peut-être, en tout cas nous en fournit une interprétation qui est plus à notre portée, qui nous parle un langage plus familier que celui des eaux, des ciels, des rochers et des bois.

M. de la Sizeranne est bien trop artiste pour ravaler l’art en faveur de la vie. Il appartient d’ailleurs à une famille chez qui non seulement l’art, mais la culture sous toutes ses formes a toujours été en honneur. Enfant, il a eu des tableaux et des gravures sous les yeux et même il a pu apprendre à peindre sous la direction paternelle. Il a lu et relu les classiques du XVIIe siècle, les écrivains de la Pléiade, des poètes comme