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SILHOUETTES CONTEMPORAINES




III[1]


M. ROBERT DE LA SIZERANNE






Il existe à Rome, dans la galerie Borghèse, un portrait anonyme du xvie siècle, qui représente un personnage un peu plus que quadragénaire, à la forte ossature du corps et du visage, aux traits énergiquement accentués : grand nez à la cassure pittoresque, collier de barbe et couronne de cheveux, d’un poil rude et dru, l’air d’un chasseur qui serait un peu lui-même un sanglier. Ce personnage vêtu d’un pourpoint somptueux sans magnificence, tient dans une de ses mains une paire de gants solidement construits, que l’on devine taillés dans une peau excellente. Ces gants, — on ne sait pourquoi, — complètent à merveille la physionomie de ce personnage énigmatique, dont on se deniande s’il est un gentilhomme caibpagnard, un sénateur de la sérénissime République, un membre disert et omniscient de quelque académie florentine, un peintre illustre peut-être, admis dans l’intimité des podestats, des princes et des souverains pontifes. L’auteur même de cette singulière figure est inconnu. Est-ce Titien, ou Paul Véronèse, ou Giorgione, vers la fin de sa vie ? On hésite à se prononcer. Mais le fait est que l’œuvre est puissante, originale, et qu’on ne peut passer devant elle sans s’arrêter, sans l’admirer et sans chercher à en pénétrer le secret.

  1. Voyez la Revue des 15 janvier et 15 mars.