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amènent la dislocation de l’armée et de l’Empire russe par le bolchévisme. Son officine principale est à Copenhague d’où il alimente de nouvelles tendancieuses et d’informations truquées la presse germanophile du monde entier. Il touche aussi aux affaires de Turquie ; il travaille à la réunion du Caucase à l’empire ottoman ; il fait un instrument de guerre de ce pantouranisme inventé par son coreligionnaire de Salonique, Cohen dit Tekin-Alp ; il est pantouranien pour le roi de Prusse.

L’activité d’un tel personnage est caractéristique ; elle est l’un des signes qui révèlent une étroite connexion entre la politique allemande, la révolution bolchéviste, le nationalisme turc et pantouranien, la révolution universelle. Il est possible que le gouvernement du Reich allemand ne soit pas mêlé directement à cette louche politique qui tend à replonger l’Europe, et l’Asie avec elle, dans les horreurs d’une guerre qui serait à la fois nationale et sociale ; mais de nombreux Allemands sont restés en Orient, et il est certain d’ailleurs que les partis et les hommes qui ont dirigé et perdu la guerre travaillent à rallumer l’incendie en Asie, dans un sentiment de vengeance contre l’Angleterre et dans l’espoir de tirer pied ou aile, à l’avantage de l’Allemagne, de toute complication grave qui se produirait en Orient. Qui sait d’ailleurs, pensent-ils, si l’offensive de l’Asie ne créerait pas en Europe un trouble tel que l’Angleterre et la France se trouveraient amenées à négocier avec l’Allemagne une révision du traité afin de s’assurer l’appui des forces allemandes pour faire front contre le nationalisme bolchevik uni au nationalisme turc ?

Ainsi se dessine contre les Allié ; victorieux, pour remettre en question les résultats de leur victoire, un vaste complot ; il a trois centres : Moscou, Constantinople, Berlin. Nous disons Constantinople, et non pas Koniah ou Sivas, résidence de Mustapha Kemal, parce que le parti nationaliste ottoman n’est qu’une émanation du Comité Union et Progrès, une nouvelle incarnation de la Jeune-Turquie ; sous le masque d’un insurgé, Mustapha Kemal est le véritable chef du gouvernement ou, plus exactement, le gouvernement, les Jeunes-Turcs, les Turcs nationalistes c’est, sous trois formes différentes, une seule et même volonté.

Faut-il croire que l’activité de la diplomatie des Soviets en Asie et en Turquie va s’atténuer et disparaître si toutes les