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L’OFFENSIVE DE L’ASIE


I

En l’an 1240, les armées de Batou, Khan des Mongols, petit-fils du Tchinguiz-Khan, firent la conquête de la Russie. Durant trois siècles, à l’époque où les grandes nations de l’Europe occidentale prenaient conscience de leur personnalité et organisaient leur gouvernement, les peuples russes demeurèrent courbés sous une domination asiatique ; ils ne furent qu’une petite province de l’immense empire qui s’étendait depuis l’océan Pacifique jusqu’à la Baltique et à la Mer Noire. Sous les bannières à queue de cheval des « hordes » disciplinées et manœuvrières qui subjuguèrent la Russie, tous les représentants de la grande famille turco-mongole, tous les enfants des steppes de l’Asie centrale et septentrionale répondaient à l’appel et marchaient en bataille. Dans les plaines de la Caspienne, du Volga et du Don, ils retrouvèrent d’autres tribus turques, établies là depuis longtemps, et des peuplades finnoises dont les ancêtres semblent avoir formé le fond de la population avant l’arrivée des Slaves. La domination mongole ne parut pas tout à fait étrangère à ces petits États semi-asiatiques. Elle fut plus dure aux principautés russes. Elle eut surtout des conséquences sociales, dépossédant, les princes et les seigneurs, détruisant la classe supérieure. On voyait, écrit un chroniqueur, « des femmes de boïars qui jamais n’avaient connu le travail, qui naguère étaient couvertes de riches vêtements, parées de colliers d’or et de bijoux, entourées d’esclaves, réduites maintenant à être les esclaves des barbares et de leurs femmes, tournant la meule du moulin et apprêtant leur