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sir et qu’il est bien difficile de limiter une avance victorieuse : les Français n’avaient pu le faire qu’en attaquant eux-mêmes. Donc il fallait avant tout éloigner l’ennemi de la barrière enfin reconstituée. L’heure était passée des petites attaques visant à la reprise de quelques centaines de mètres ; elles avaient permis de faire disparaître successivement les petites ou grandes poches que la ligne allemande avait creusées dans la française, mais c’était seulement en portant d’un seul bond toute la ligne en avant qu’on pouvait gagner utilement du terrain. Une opération de grande envergure s’imposait.

Le général Nivelle en prescrivit l’étude au général Mangin qui envisagea la reprise de Douaumont comme conséquence possible du succès ; ce projet fut adopté après discussion, et le fort n’entra qu’ensuite parmi les objectifs de l’attaque. De même pour le fort de Vaux. Le but devint alors de reconstituer dans son intégrité la barrière des forts autour de Verdun.

Le général Mangin disposait de tous les moyens nécessaires pour mener à bien l’opération ; d’abord une artillerie très puissante : 289 pièces de campagne et de montagne (calibres 65 à 95 mm), 314 pièces lourdes (100 à 400 mm). Trois divisions attaquaient en première ligne, avec deux bataillons sénégalais et un bataillon somali ; trois divisions étaient sous ses ordres immédiats en seconde ligne ; en outre, les divisions voisines du front d’attaque mettaient chacune un régiment en ligne.

L’ennemi lui opposait sept divisions en première ligne, mais disposées très en profondeur ; seize bataillons en première ligne, six en soutien immédiat dans la zone à conquérir, onze en soutien à proximité qui seront tous engagés le soir de l’attaque, 25 en réserve, qui viendront ensuite boucher les trous. Les Français ont repéré 209 batteries allemandes (environ 800 pièces) susceptibles d’entrer en action lors de leur offensive. Après trois jours de tir de destruction, ils simulèrent une attaque générale : cette ruse eut plein succès et 130 batteries se révélèrent (soit environ 530 pièces) et furent contre-battues le surlendemain, jour de l’attaque, si bien que 90 batteries allemandes seulement ouvrirent le feu ce jour-là, et dans des conditions assez défavorables dont leur tir se ressentit. La supériorité initiale de l’artillerie allemande avait donc disparu par l’action de son ennemie, mieux organisée et mieux commandée. Cette action était escomptée dans la conception