Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/726

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
722
revue des deux mondes.

Mais déjà, au milieu de novembre 1915, le Haut Commandement germanique avait pris la décision d’attaquer à Verdun pendant l’hiver 1916 et en Italie au printemps, avec le Tyrol comme point de départ. La préparation de ces deux offensives soulageait d’autant les fronts de Russie et de Serbie en artillerie lourde d’armée et en divisions d’infanterie. Quelques actions locales occupent le début de l’hiver et attirent l’attention des Alliés, vers la Champagne d’abord, à Tahure, du 6 au 12 janvier ; vers les Flandres, à Nieuport et Het-Sas, le 24 janvier ; vers l’Artois, à Thélus le 23 janvier et à Givenchy le 28 ; vers la Picardie le 29, à Frise ; vers l’Alsace à Seppois le 13 février. Il s’agit moins d’atteindre des objectifs limités que de rechercher par des expériences pratiques dans quelles conditions il est possible de raccourcir beaucoup la préparation d’artillerie nécessaire aux attaques en augmentant le nombre des batteries en action : on se contente alors de réglages sommaires, on tire sur zones étroites, et la destruction est moins complète qu’avec le même nombre de projectiles tirés à loisir ; mais l’effet moral et l’ébranlement physique produits par les détonations répétées et incessantes, par l’avalanche de fonte et d’acier qui ravage le terrain en quelques heures au point de rendre le paysage méconnaissable, par les pertes qui font tomber brusquement l’effectif des défenseurs sans possibilité de renforcement, voilà, les facteurs nouveaux dont on étudie l’efficacité, et qui permettront d’enlever la position avant que l’adversaire ait eu le temps d’amener ses renforts en artillerie et en infanterie.

Le choix de Verdun s’explique par sa situation en saillant dans le tracé général du front français : c’est de ce fait un point faible. En outre, ce saillant est coupé par la Meuse, et dans sa pointe le défenseur aura à livrer bataille avec une rivière à dos. Cette pointe est la tête de pont d’une attaque française qui aurait comme objectif le bassin de Briey et Metz ; en la faisant sauter on ferme la porte, on rectifie la ligne et on consolide en même temps la position à Saint-Mihiel, où la ligne allemande est bien aventurée. C’est là un minimum de succès, mais on peut bien espérer la prise de tout le camp retranché, qui sera d’un considérable effet moral et qui ouvrira dans la ligne française une brèche permettant tous les espoirs. Des deux voies qui permettaient le ravitaillement de Verdun l’une est coupée, l’autre le sera dès le début de l’attaque, et le