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tableau baigne dans l’air doré d’un automne somptueux et délicat.

C’est également par la finesse des passages, par la grâce flottante et fuyante des enchaînements sonores, que la musique de M. Fauré se rapporte au décor qui l’encadre et qui lui prête un charme nouveau. Elle-même n’est pas nouvelle, ne consistant, ou peu s’en faut, qu’en un choix de « mélodies » connues, aimées entre toutes, y compris le célèbre Clair de lune. Mais l’orchestre en a multiplié, raffiné la beauté douce, triste et profonde. « Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique… » Hormis peut-être le mot « sombre, » il n’est pas de musicien auquel nous devions plus qu’à M. Fauré de goûter ce genre de plaisir.

Voilà, pour aujourd’hui, pas mal de musiciens agréables. Passons à d’autres, en terminant. Il y a déjà longtemps, (c’était en janvier), que, dans la salle des Concerts-Touche, ordinairement plus mélodieuse, un concert fut consacré à la jeune école d’Italie. Les disciples de cette école, — ou ses « maîtres, » — qui figuraient au programme, ont nom Pietro Toschi, Francesco Malipiero, Sabata, Pratella, et deux ou trois encore. Leurs œuvres consistaient en pièces brèves, pour chant ou pour piano, plus un trio pour piano, violon et violoncelle, par où finit la séance. Et cette fin n’en parut pas le plus mauvais moment. Quelques mélodies vocales causèrent également un certain plaisir : par où nous entendons en effet un plaisir qui n’a rien d’incertain, celui que nous procurent des formes définies et précises. Mélodies et trio sont de M. Vincenzo Davico, lequel s’était chargé de présenter d’abord au public, en quelques mots, les compositions de ses compatriotes et les siennes mêmes. Que de mots, et lesquels ! n’eût-il pas fallu pour expliquer les premières, ou plutôt pour les justifier ! Parmi celles-là, retenons seulement deux cantilènes, les Bergers et San Basilio, de M. Ildebrando Pizzetti. Mélopées autant que mélodies, un sentiment populaire et profond anime les deux petites pièces. Elles chantent véritablement, et de sobres de fortes harmonies soutiennent leur chant. Directeur de l’Institut musical de Florence, plusieurs fois collaborateur de Gabriele d’Annunzio, (La Pisonella. la Nave, Fedra), M. Pizzetti est également l’auteur d’une étude critique, par nous signalée naguère aux lecteurs de la Revue, sur Bellini et le canto puro. En fait de musique, nous ne connaissons de M. Pizzetti que ces deux mélodies. Elles sont d’un musicien, ou de ce qu’on appelait ainsi naguère. Maintenant, il faudrait s’entendre. Au-delà comme en deçà des Alpes, le mot n’a plus tout à fait la même signification. On a défini la musique de bien des manières. J’ai beau chercher, je ne