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d’opérette, lorsque le musicien de Véronique s’y laisse aller et s’y amuse, ne ressemble pas à celui dont Offenbach a créé les chefs-d’œuvre burlesques et copieux. Une fois cependant, au moins une, je ne dirai pas de la musique de M. Messager qu’elle tombe dans la caricature, mais plutôt qu’elle s’y élève, ou s’y emporte. Le bal du dernier acte, aux Tuileries, sous le gouvernement de juillet, est un très plaisant exemplaire de la parodie ou de la « charge » musicale. Le cornet à pistons, — si je ne me trompe, — y prend des libertés grandes. Un de ses pareils, dans l’Ascanio de M. Saint-Saëns, et sous un autre de nos rois, (François Ier, au lieu de Louis-Philippe), se livra naguère à de semblables ébats. Voilà, dans la partition de M. Messager, la seule plaisanterie un peu forte, mais d’une force à laquelle on ne résiste pas. Et puis, même ici, que toute cette musique est donc saine, j’allais dire : qu’elle est propre ! Comme elle est joyeuse avec franchise, avec honnêteté !

L’interprétation de Véronique, dans l’ensemble et dans le particulier, fut très bonne. M. Messager parut prendre, à conduire l’orchestre, un plaisir que l’orchestre avait l’air de partager. Les chœurs ont chanté, ce qui n’arrive ni partout, ni toujours. Ils ont même chanté juste, et par surcroît ils ont joué. Pour Mlle Edmée Favart et M. Jean Périer, voir plus haut. Mise en scène pittoresque, spirituelle et de bon goût. Le théâtre de la Gaîté-Lyrique est à surveiller, avec sympathie.

Masques et Bergamasques, (à l’Opéra-Comique), sont un divertissement mêlé de chant, de danse et de poésie. L’absence de cette dernière en eût fait un tout délicieux. On se serait fort bien passé du trio bavard que forment Arlequin, Gilles et Colombine. Tous les trois, — c’est tout le sujet, — tous les trois, lassés à la fin d’être acteurs ont voulu devenir un moment spectateurs à leur tour. Spectateurs cachés, mais non pas spectateurs muets. Ils ont le tort de parler, de parler en vers pseudo-verlainiens, et leurs propos oiseux rompent l’enchantement, qui sans cela serait continu, de nos yeux et de nos oreilles. Le spectacle d’ailleurs ne consiste que dans les allées et venues, dans les pas et les poses, parmi les arbres, les marbres et les eaux, de couples mélodieux. Paysage à la Watteau, costumes assortis, et celui-là comme ceux-ci d’une seule couleur, couleur d’or, mais de toutes les nuances et de tous les ors. « Il y a de la chromatique là-dedans, » et qui passe, par d’insensibles dégradations, des fauves reflets du soir aux teintes blondes de l’aurore. Paysage et personnages, les marronniers du parc, les habits de satin et de soie, tout le