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beaucoup plus facile, toutefois, que celle de l’appareil Kimberley, pour l’embarquement des sacs de charbon dans les mêmes circonstances ; et aussi, infiniment plus courte et n’exigeant pas de personnel, puisqu’une pompe suffit à introduire le pétrole dans les réservoirs du navire demandeur.

Quoi qu’il en soit, il paraît difficile d’admettre que ce procédé, excellent pour le temps de paix, reste applicable à des ravitaillements réguliers, en temps de guerre. Ces dépôts ambulants seraient immédiatement l’objet des recherches et des attaques de l’adversaire. Il faudrait donc qu’ils fussent armés. Évidemment, ce n’est pas impossible ; mais à moins de donner à ces navires-citernes des dimensions considérables, d’autant plus considérables qu’il conviendrait de leur assurer, par surcroit, l’arme vitesse, on n’arriverait pas à satisfaire à l’essentielle condition de les maintenir à peu près en permanence dans le carré[1] qui leur aurait été attribué.

Reste, il est vrai, la possibilité, pour un navire-citerne neutre, d’offrir ses services au belligérant qui passe à sa portée. Et, en fait, cela s’est déjà vu dans la dernière guerre, quand les sous-marins allemands sont allés opérer dans l’Atlantique Ouest, au large des côtes des États-Unis, ou dans le golfe du Mexique. C’était dangereux pour l’obligeant pétrolier. Dira-t-ou que la Société des Nations pourrait légiférer là-dessus et décider qu’il sera licite pour un neutre de fournir du pétrole aux belligérants, pourvu que la distribution en soit impartialement assurée à tous les belligérants sans exception ?

Mais, outre que l’on ne voit pas bien le Grand Conseil de cette pacifique institution s’occupant tout de suite d’une question de ce genre, que de difficultés pratiques à résoudre pour organiser ce service si particulier ! Il faudrait d’abord neutraliser, pour ainsi dire, un cercle d’une dizaine de milles au moins de diamètre, dont le centre serait le pétrolier en question, considéré dès lors comme une île flottante, dans les eaux territoriales de laquelle il serait interdit de se battre, — car, n’est-ce pas ? deux croiseurs ennemis pourraient se présenter à la fois au navire-citerne. Et puis, comment avoir la certitude

  1. Généralement, en temps de guerre, l’étendue des mers est, sur les cartes marines, partagée en carrés compris entre deux longitudes et deux latitudes déterminées. On fixe, par exemple, un « rendez-vous à la mer. » dans le carré n* 42 de telle ou telle carte.