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retirera de la victoire. Si elle doit, sans que ses contractants y soient pour rien, renoncer à certains points de son programme initial, ce ne sera pas sans compensation sur d’autres qui n’en faisaient pas partie, ni sans que tel article, par exemple le tracé de la frontière du Brenner, ait reçu une interprétation large. On peut donc, sans faire le moindre tort à l’Italie, tenir aujourd’hui pour réalisé le profit qu’elle a attendu de son intervention à nos côtés, et qu’on peut définir sans exagération l’accomplissement de ses destinées nationales.

Personne ne lui dispute la gloire de les avoir accomplies avant tout par ses propres moyens. Elle ne saurait davantage nous contester le mérite de l’y avoir aidée de tous les nôtres. Nous avons donc le droit de revendiquer notre part dans l’achèvement de son développement historique, comme elle la sienne dans la restauration de notre unité nationale et dans la conquête chèrement payée d’une sécurité, hélas ! encore bien imparfaite. Ce n’est point par un vain orgueil que nous devons le constater et le lui rappeler, mais dans l’intérêt même de nos rapports amicaux avec elle, qui, à ses yeux comme aux nôtres, sont principalement fonction du bénéfice pratique qu’elle en a retiré. Acquis aujourd’hui dans son ensemble, ce bénéfice stipulé d’avance lui prouve qu’en venant à nous elle n’a pas, comme on dit vulgairement, fait une mauvaise affaire.

Elle ne l’a pas faite à nos dépens. Rien ou presque rien des acquisitions prévues par la Convention de Londres ne devait, si l’on peut dire, sortir de notre poche, exception faite de simples arrondissements coloniaux résultant des rectifications de frontières mentionnées par l’article 13, aucun des territoires sur lesquels l’Italie nous a fait reconnaître ses droits ou ses visées ne nous appartenait ; tous étaient, au moment où la Convention a été conclue, territoires ennemis ou d’allégeance ennemie. Hâtons-nous d’ajouter qu’il ne pouvait on être autrement. L’Italie n’avait aucune reprise à exercer sur nous.

Notre apport matériel aux dispositions territoriales de la Convention s’est donc borné à notre signature. Mais notre signature au bas de l’acte a été, par elle seule, un apport des plus appréciables. L’expérience nous a montré à nous-mêmes, au cours des négociations de paix, dans les questions rhénanes et dans celles d’Orient, ce qu’il peut en coûter de ne pas s’être fait garantir par ses alliés, au moment où ils n’auraient