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Tout le bonheur est là, dans l’agreste décor
Où, parmi la douceur de la clarté fleurie,
La blancheur des bouleaux aux sapins se marie,
Comme l’espoir chrétien aux ombres de la mort.


APPARITION


Puisque vous savez voir par-delà le réel,
Et que, loin des humains, épris de jeux frivoles.
Vous vous abandonnez aux musiques du ciel.
Savante à lire les symboles ;

Puisque vous attendez que s’entremêle au jour
L’hésitante douceur du flottant crépuscule,
Et que vous adorez, au seuil du grand Amour,
L’heure où l'âme est moins incrédule ;

Puisque vous vous sentez en exil ici-bas.
Et que, dans les forêts qui sont pour vous un temple.
Votre mélancolie attachée à mes pas.
Hors du temps, sourit et contemple ;

O belle âme, que blesse un mal pareil au mien,
Vous, réveillée enfin du songe de la vie,
O vous, qui chancelez, sans force et sans soutien,
Dolente à la fois et ravie :

Si vous voulez, ce soir, au moment du couchant.
Quand le soleil au front des pins se réfugie,
Et lorsque le silence, aussi doux que le chant.
Répand sa profonde magie,

Nous irons tous les deux, troublés également,
Voir fleurir notre rêve et mourir la lumière.
Dans le vallon rempli d’un mol enchantement.
Et que veloute la bruyère.

Guidés par les tilleuls, nous suivrons le vieux Mur
Et les rocs caverneux taillés par les Druides,
Affermissant nos pieds dans le sentier mal sûr,
Revêtu de lichens humides :