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un roman d’Elie Berthet, [ce] qui n’a pas duré deux heures. J’ai beaucoup pensé à nous, à notre vie à venir. Je me suis dit que c’était affreux de ne se, réunir qu’à nos âges, et de tarder encore. J’ai maudit mes dettes, et leur cause surtout. Et j’ai pensé que j’en refaisais. Je me suis couché à sept heures, au lieu d’aller à un spectacle quelconque, car je veux travailler. Me voici levé à trois heures du matin ; je ne me sens pas plus disposé qu’hier. Tel est le cerveau ; cet organe n’obéit qu’à ses propres lois, lois inconnues ! Rien n’agit sur cette bouillie. Me voici devant des ouvriers, des entrepreneurs à payer ; il faut faire un versement de seize mille francs. J’aurais, par-dessus le marché, mon honneur, ma femme, à sauver ; [j’aurais] à donner du pain autour de moi ; cela ne ferait pas sortir une ligne [de cet organe rebelle]. Et mon pauvre loup me dit : « Achève les Paysans, travaille, ne t’inquiète pas de moi, » et, pour ton amour, on ne me ferait pas écrire ! Ah ! comme j’avais raison de [vouloir] partir ! J’ai dépensé tout autant d’argent qu’à [aller te voir]. [Nous] voici le 11 ; je t’aurais vue, je t’aurais embrassée ; je me serais rajeuni, rafraîchi, j’aurais vu mes deux petits saltimbanques heureux. Tu m’aurais renouvelé, comme Antée quand il avait touché la terré ! [Tandis que voici] onze jours pris par le chagrin, par la mélancolie la plus noire, sans distraction possible.


A Madame Hanska, à Dresde.

[Passy, 15-17 décembre.]

Mardi, 15 [décembre].

Il est trois heures du matin ; j’ai été réveillé trois fois par l’inquiétude, car, hier, après l’arrivée du courrier, il n’y avait pas de lettre de toi, et je ne vis plus depuis. Aussi, hier, suis-je allé par la ville, en marchant beaucoup.

Je suis allé chez M. Paillard, pour voir aux bronzes et aux montages. J’ai décommandé la table à manger, qui n’était pas commencée, et j’ai vu tous les ouvriers qui travaillent pour moi, afin de les activer.

D’ici à trois jours j’aurai décidé si je poursuivrai la candidature de l’Académie française, et c’est très probable, car, si je dois être refusé deux fois, il faut me débarrasser des visites qui