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et de Vienne, à y répondre par la révolte des consciences.

L’insuccès des efforts de nos ennemis ne doit pas toutefois nous donner le change sur la gravité du péril que ces efforts nous ont alors fait courir. Si l’on réfléchit que l’Italie ne pouvait conserver indéfiniment la neutralité, on s’aperçoit que c’était son intervention pour ou contre nous qui, en réalité, était en jeu dans la crise de sa neutralité. Et nos ennemis ne l’ignoraient certes pas. Sans doute, au cours de cette crise, trouvions-nous une garantie des plus efficaces dans nos accords avec le Gouvernement italien. Mais la plus efficace des garanties écrites n’est jamais sans appel. Aucun accord ne tient plus quand, dans la perplexité d’une alternative redoutable, dans la supputation du pour et du contre, dans l’évaluation des chances de deux groupes aux prises, entre lesquels la victoire est des plus indécises, la volonté vient à fléchir, le jugement à s’obscurcir, la conscience à se troubler, et que l’oreille s’ouvre aux suggestions de la mauvaise foi Rien de tel n’est arrivé en Italie, ni chez les dirigeants, ni chez bon nombre de dirigés. Mais s’il en avait été autrement, le triomphe du neutralisme germanophile n’eût été que le prélude d’un interventisme à rebours. Il suit de là que le premier avantage pour nous de l’intervention italienne, dans le sens où elle s’est produite, consiste en ce qu’elle a écarté le risque d’une intervention de l’Italie dans le sens opposé. A avoir l’Italie avec nous, nous avons d’abord gagné de ne pas l’avoir contre nous.


III. — LA CONVENTION DE LONDRES

En venant à nous, l’Italie a escompté un bénéfice. Elle l’a stipulé dans la Convention de Londres du 26 avril 1915.

Le Gouvernement italien a négocié son intervention militaire. Il en a discuté avec les Puissances de l’Entente les conditions politiques, la récompense, le prix. C’était son devoir envers sa patrie d’assurer, à l’égard des trois grandes Puissances avec lesquelles il s’alliait, la reconnaissance des intérêts nationaux dont il demandait la satisfaction à la fortune de ses armes et des leurs. Pas plus que la légitimité de cette précaution, on n’a l’intention d’en contester la patriotique prévoyance. On se borne à constater que les autres mobiles d’ordre politique ou moral qui ont concouru à déterminer l’intervention italienne