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Rhin pour tout « remplacer, » au moment où notre attention était attirée par la vie économique allemande. On reproche au langage militaire l’emploi de « minenwerfer : » on oublie qu’au début, nous ne possédions pas de « lance-bombes ; » d’où la surprise, et un usage qui s’est prolongé jusque dans la convention d’armistice du 11 novembre 1918. Nous avions bien, pendant les premiers mois de la guerre, quelques ballons d’observation ; mais que pouvaient ces isolés, en comparaison de tous les « drachen » allemands ? D’où la surprise encore, et un emploi qui, contrairement au précédent, s’est affaibli chemin faisant. Il y en a peut-être d’autres ; on discute pour savoir si des expressions comme « pertes sévères » ou « sous-évaluer » ne viennent pas de la traduction des communiqués ennemis. Bien peu de chose, en somme : pratiquement, les mots allemands n’ont point passé.

Nous ne nous étonnerons pas non plus si, dans les pays envahis, ils n’ont pas fait fortune. Là, le contact n’a que trop duré ; sous l’empire de la nécessité, les populations ont dû apprendre le minimum nécessaire aux rapports journaliers avec les soldats ; mais cette forme de la servitude a disparu dès le jour où l’envahisseur a plié bagage. Les termes comme « Français capout, » ou « Kommandantur, » ou « Krieg ist Krieg, » ou « Wir gehen nach Paris, » n’interviennent plus que pour donner de la couleur locale aux récits d’un temps abhorré. De même, ce n’est pas le contact de nos prisonniers de guerre avec leurs gardiens, ou avec la population allemande, qui a pu transformer leur vocabulaire ; le très curieux langage qu’ils ont parlé dans les camps a eu un caractère temporaire ; et, grâce au ciel, ce temps-là est passé. Enfin, il est peu probable que le langage de nos troupes d’occupation se germanise : si on en croit les plaintes des journaux locaux, l’allemand des bords du Rhin se franciserait bien plutôt.

Mais nos Alliés ? Si nous constatons avec joie que notre dette envers nos ennemis est légère, ne sommes-nous pas les débiteurs de nos amis ? Aucun obstacle, cette fois, aux échanges ; toutes les raisons possibles les ont favorisés, le nombre, l’exceptionnelle durée du séjour, la curiosité, l’intérêt, l’affection, quelquefois même l’amour. Comme ils sont venus à flots pressés, pour défendre notre cause et celle de la liberté ! comme ils ont dû rester longtemps, avant de s’en aller chacun dans son