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sur ce principe qu’un front stratégique ne peut être une ligne de défense tactique cohérente et souligne de nouveau l’importance de l’échelonnement dans la défensive encore plus que dans l’offensive. Car la guerre de l’avenir sera toute de mouvement ; l’auteur l’a déjà établi en étudiant les guerres les plus récentes : « À l’avenir, il n’y aura de batailles durant des journées entières que si l’on rencontre sur le théâtre de la guerre des conditions analogues à celles qu’on trouvait en Mandchourie. Mais une telle hypothèse n’a aucune vraisemblance. Les adversaires de l’Allemagne sont contraints à l’offensive s’ils veulent obtenir quelque résultat. Quant à nous, nous ne nous défendrons sûrement pas derrière des remparts et des fossés. Le génie du peuple allemand nous en préservera. Un réseau de chemins de fer très dense, relativement aux chemins de fer de Mandchourie, et un riche réseau de routes utilisables assurent une grande liberté de mouvements sur la plupart des théâtres de guerre en Europe. Toutes ces circonstances me font croire, en dépit de la tendance très répandue à se terrer, plutôt à une guerre de mouvement et d’opérations qu’à une guerre de positions. »

Il a déjà opposé la conception mécanique de la guerre, qui met en ligne des masses aussi grandes que possible et les juxtapose de front, à la conception géniale, qui les fait manœuvrer selon les méthodes exposées dans son ouvrage : « C’est l’esprit qui décide de tout à la guerre, l’esprit des chefs et l’esprit des troupes. Aujourd’hui encore, la résolution et la hardiesse assurent une supériorité décisive. Aujourd’hui encore, les fières prérogatives de l’initiative ont gardé leur valeur. Aujourd’hui encore, la victoire n’est pas attachée à un système déterminé, et on peut la remporter même contre des forces sensiblement supérieures, avec les formes de combat les plus diverses. »

D’ailleurs, Bernhardi a déjà établi que ces masses formidables des armées actuelles fondront rapidement, tant par suite des pertes que parce que la vie moderne les a rendues en grande partie impropres à la vie de campagne, et la guerre sera courte, surtout contre la France : « L’effort qu’on doit fournir dès le début est si grand qu’il est bien difficile de le dépasser, du moins pour des pays comme la France, qui font appel dès la première mobilisation à toutes leurs ressources en hommes